Il est d’usage, à l’occasion du premier numéro d’une nouvelle année, de présenter ses vœux de manière enjouée, accompagnés d’artifices divers visant à y injecter une dose d’humour ou d’originalité.
Soyons clairs, en ce sinistre mois de janvier 2024, l’exercice s’avère compliqué. Zakaria Boualem va faire ce qu’il peut, mais le bougre a le cœur lourd. En cause, bien sûr, il y a l’effondrement spectaculaire de son pouvoir d’achat, il a été soudain dégradé socialement, sans qu’il puisse bien comprendre à quoi était due cette brutale infortune, et encore moins comment elle pouvait être surmontée.
Mais ce n’est pas le plus grave, le vrai drame est ailleurs, à Gaza bien sûr. Ce qui perturbe le Guercifi, c’est qu’il a la pénible impression que l’humanité ne comprend pas ce qui se joue là-bas. Certes, la phrase précédente est un monument de prétention, mais elle est parfaitement conforme à sa pensée. Il lui semble que la planète entière est frappée de somnambulisme, qu’elle avance vers la catastrophe sans prendre conscience de l’ampleur des enjeux. Il faut donc les lister, sans avoir peur de se répéter, car l’heure est grave, et merci.
Si l’on laisse faire le massacre de Gaza, c’est tout simplement la fin de la possibilité d’une justice internationale. Plus personne sur la planète ne peut continuer à croire à une quelconque résolution venant d’une pseudo-communauté d’élite qui prétend régenter le monde. C’est fini. L’ère du cynisme, de la défense brutale des intérêts de chacun, va plonger le monde dans le chaos, telle est l’angoisse du Boualem.
Il ne faut même plus faire semblant de considérer que les peuples se valent, voilà la leçon de cette guerre. Les bons contre les méchants, ou, mieux, les blonds contre les musulmans, tel est le casting un peu crétin qui se dessine devant nous, pour reprendre les paroles d’un groupe obscur. Le seul fait que l’Ukraine ait voté contre le cessez-le-feu à Gaza, outre la charge extraordinaire d’ironie de cet épisode, signe la fin de la moindre ambition d’injecter de la cohérence dans ce délire puissant.
Certes, les plus lucides feront remarquer au Guercifi que c’était déjà le cas avant, qu’il fallait être benêt pour penser, après la mascarade de l’anthrax par exemple, que la justice régnait. Mais que voulez-vous, il se trouve que, dans un coin de sa tête, notre homme pensait qu’avec l’appui des réseaux sociaux, les diableries étaient vouées à l’extinction, comme les téléboutiques.
« Ajoutons au rang des disparus de 2023 l’illusion de supériorité morale d’un Occident hypocrite, et enterrons dans la foulée la chimère d’une presse indépendante…”
Cruelle erreur, affreuse méprise, et ce n’est pas la seule. Car Zakaria Boualem, ce grand naïf, pensait aussi que l’humanité avançait vers la lumière presque mécaniquement. C’est très faux, bien sûr, et le progrès technologique à l’origine de cette impression n’est qu’une arme de plus pour amplifier les dégâts causés par une humanité à la cruauté constante à travers les âges.
Ajoutons au rang des disparus de 2023 l’illusion de supériorité morale d’un Occident hypocrite, et enterrons dans la foulée la chimère d’une presse indépendante, puisque les médias de l’empire, dans leur belle unanimité, ont passé les trois derniers mois à nous expliquer que ce que nous voyons n’est pas ce que nous voyons. Oui, voilà ce qui se joue sous nos yeux, c’est une abomination.
Le sentiment d’injustice est dangereux, il faut le rappeler. Il peut conduire à l’antisémitisme, par exemple, le vrai, pas cet ersatz frelaté que les sionistes lancent à la face de leurs contradicteurs pour les faire taire. Il peut aussi conduire à la violence, au chaos. Voilà donc l’expression des terribles angoisses du Guercifi, qui avait besoin de les coucher sur le papier pour se sentir mieux. Bonne année quand même, les amis, nous sommes ensemble !