Le Maroc redessine son avenir : vers un Atlantique stratégique

Désenclaver le Sahel en offrant aux partenaires africains une place dans le futur ensemble afro-atlantique, tel est le nouveau projet d'intégration continental proposé par Mohammed VI. Mais l'ambition de ce chantier pharaonique peut buter sur des intérêts régionaux conflictuels.

Par

TELQUEL

Dans un discours historique, le 6 novembre 2023, le roi Mohammed VI annonce un changement géopolitique majeur pour le Maroc. Exit la priorité à la Méditerranée, place à un Atlantique stratégique. Le souverain évoque une « mise à niveau nationale du littoral » et souligne l’importance d’une structuration « de portée africaine« . Avec 3500 km de côtes, le Maroc ambitionne de devenir un acteur majeur de l’intégration maritime africaine Sud-Sud.

Mais quelle est la nature de cette réorientation ? Les analystes soulignent le potentiel économique de la façade atlantique africaine, regorgeant de ressources halieutiques et d’hydrocarbures. La création d’une « économie bleue » et la mise en place de projets phares, comme le gigantesque port de Dakhla Atlantique, sont au cœur de cette nouvelle vision.

Cette réorientation, qui vient après des années de préparations depuis la signature de l’Accord de libre-échange avec les États-Unis, jusqu’à la mise en place du Processus des États Africains de l’Atlantique (PEAA), s’inscrit dans une continuité historique qui date de plusieurs siècles maintenant.

Lors de la période de l’Empire chérifien, le Maroc est notamment cité dans l’histoire diplomatique internationale grâce à sa puissance maritime. “De plus, la masse continentale des frontières orientales du Maroc a le plus souvent constitué un facteur de suspicion et de blocage et rarement un facteur de confiance et de coopération. L’observation des mouvements stratégiques de l’Empire chérifien montre que ceux-ci se sont toujours inscrits dans une dynamique Nord-Sud et rarement à l’Est”, rappelait Jamal Machrouh, professeur de relations internationales, Senior Fellow au Policy Center for The New South  (PCNS) et maître de conférences au Collège royal des études militaires avancées de Kénitra, dans un Policy Brief publié par le PCNS en 2021.

Là où aujourd’hui Madrid et Londres font partie d’une même alliance maritime sous leadership américain (OTAN), Rabat continue d’être bloqué à sa frontière Est. Mettre l’accent sur son versant atlantique est loin d’être un luxe ou une folie des grandeurs

Un constat partagé par Ali Moutaïb, directeur de l’École de Guerre Economique (Campus de Rabat) : “Le Maroc dans son histoire, particulièrement sous le règne du Sultan Mohammed Ben Abdellah, avait investi dans la façade atlantique comme axe de projection de puissance au niveau de sa région dans une zone atlantique dominée par les Britanniques, en compétition avec les Espagnols”.

Là où aujourd’hui Madrid et Londres font partie d’une même alliance maritime sous leadership américain (OTAN), Rabat continue d’être bloqué à sa frontière Est. Mettre l’accent sur son versant atlantique est loin d’être un luxe ou une folie des grandeurs, mais représente avant tout un levier de croissance incontournable pour le royaume, couplé à une assurance d’être entendu et respecté dans un environnement géopolitique de plus en plus inflammable.

Cependant, des défis de taille se dressent. Les rivalités régionales, les freins financiers, et les implications géopolitiques complexes s’annoncent comme des obstacles. Et la vision du Maroc pour une coopération Sud-Sud, notamment avec les pays du Sahel, pourrait-elle être confrontée à des réticences, voire des manœuvres dle certains États ou entreprises ?

Alors que le Maroc se prépare à transformer son littoral atlantique en un hub stratégique, plongez dans les coulisses de cette révolution géopolitique.

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