Armando Barucco: “La coopération entre Rome et Rabat couvre les secteurs clés de l’économie du Maroc

Deux ans et demi après son arrivée à Rabat, l’ambassadeur 
d’Italie au Maroc dresse un tableau des perspectives d’évolution de la coopération entre Rabat et Rome. Armando Barucco nous donne aussi plus de détails sur l’opération lancée par les services consulaires italiens pour contrer les fraudes liées aux visas.

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L'Ambassadeur d'Italie Armando Barucco. Crédit: TOUMI:TELQUEL

Quelle évolution envisagez-vous pour la coopération entre Rabat et Rome ?

Nous sommes partenaires dans des secteurs clés de l’économie marocaine. Les industries italiennes contribuent à la compétitivité de l’industrie marocaine. Comme l’automobile, où un solide cluster italien contribue grandement à la compétitivité du secteur : ainsi, à Tanger, on compte une vingtaine d’entreprises italiennes dans l’automobile.

Nous sommes également impliqués dans les énergies renouvelables, avec Enel Green Power est l’un des premiers investisseurs au Maroc, notamment dans l’éolien et le photovoltaïque. Nous avons un intérêt croissant pour l’hydrogène vert, et des discussions sont en cours à ce sujet. Des entreprises italiennes opèrent également dans des secteurs industriels traditionnels tels que le textile et l’agrobusiness.

La délégation italienne qui se trouve actuellement au Maroc provient de la région Frioul-Vénétie Julienne, l’un des moteurs de l’économie italienne. Cette région est fortement liée à la logistique et aux services portuaires, en particulier grâce au port de Trieste, un hub majeur pour les marchandises provenant de la Méditerranée et destinées à l’Europe centrale et orientale.

Une grande partie des poissons traités au Maroc sont acheminés en Europe via Trieste, grâce à des entreprises italiennes. Et à Agadir, un cluster d’entreprises italiennes opère avec succès dans la transformation du poisson.

En septembre dernier, vous avez dirigé une opération pour régler certains problèmes qui affectaient les demandes de visa. Où en est cette initiative aujourd’hui ?

“Nous avons presque doublé le nombre de visas délivrés par rapport au pic historique”


Armando Barucco

Je dois dire que la situation actuelle est toujours liée à l’équilibre entre l’offre et la demande, en forte augmentation. L’intérêt croissant pour l’Italie a entraîné une augmentation significative des demandes de visa. Pour vous donner une idée, cette année, nous avons presque doublé le nombre de visas délivrés par rapport au pic historique.

Notre consulat à Casablanca est particulièrement sollicité. Mais nous travaillons activement sur cette question. Pour faire face à cette situation, nous sommes en train de renforcer nos structures. Et dans un avenir très proche, nous prévoyons d’ouvrir de nouveaux bureaux dans d’autres villes. Il y a des développements intéressants à prévoir.

L’entreprise italienne Enel Green Power est l’un des premiers investisseurs au Maroc, notamment dans l’éolien et le photovoltaïque

Pouvez-vous nous en dire plus sur l’aide italienne prévue pour le Maroc suite au séisme du 8 septembre ?

Comme vous pouvez le constater avec le drapeau marocain qui est encore sur le “Campidoglio” (la place du Capitole, à Rome, ndlr), le récent séisme a fortement touché le cœur de tous les Italiens et Italiennes. Notre pays a une grande expérience des tremblements de terre, qui surviennent chez nous de manière régulière, tous les 5 ou 6 ans, ce qui nous permet de comprendre pleinement les défis que cela représente.

Le peuple italien, le gouvernement et le président de la République ressentent une grande solidarité envers nos amis marocains en ces moments difficiles. Nous avons d’ores et déjà offert notre aide et sommes prêts à collaborer avec le Maroc. Il y a une priorité immédiate et évidente, qui est la préservation du patrimoine culturel, affecté par le séisme. Les images de Marrakech et de la mosquée de Tinmel ont été largement diffusées, et nous sommes conscients de l’importance de restaurer ces trésors culturels.

L’Italie dispose d’une expertise inégalée en matière de conservation du patrimoine culturel. Il suffit de visiter Rome et de passer une journée à explorer la ville pour comprendre notre engagement dans ce domaine. Déjà, en 1519, le grand peintre Raphael avait rédigé un décalogue pour le Pape Leon X sur la sauvegarde du patrimoine.

Et le plus ancien et important Institut de restauration au monde, l’ICR, est à Rome ; d’ailleurs, TelQuel a suivi une de ses missions au Maroc (l’ICR étudie notamment la restauration des mosaïques de la Maison de Vénus, à Volubilis, ndlr). Et à mon avis, les récentes extraordinaires découvertes sur le site maurétano-romain du Chellah ouvrent de nouvelles importantes pistes de coopération.

La langue italienne connaît une popularité croissante au Maroc depuis quelques années. Comment expliquez-vous cet engouement ?

L’italien est une langue particulière en raison de son influence marquée dans certains domaines tels que la culture, en particulier la musique classique, la sauvegarde du patrimoine, le design industriel, la gastronomie, l’industrie automobile et les moteurs.

Les jeunes Marocains, qui sont ouverts à de nombreuses influences, comprennent l’importance de ces domaines, ce qui explique leur intérêt croissant pour la langue italienne. Ils sont aussi plus nombreux à découvrir le système universitaire italien et certaines universités italiennes d’excellence.

Même si ces établissements dispensent des cours en anglais, apprendre l’italien devient très utile pour eux. Cela leur permet d’accéder à une expérience internationale dans des villes comme Milan, désormais une destination universitaire internationale de premier plan, abritant des institutions de renom comme l’université Bocconi ou le Politecnico (École polytechnique, ndlr).

Vous avez évoqué le renforcement de la coopération dans le domaine de la culture. Parlez-nous des prochains événements culturels organisés par votre ambassade ?

En collaboration étroite avec l’Institut culturel italien de Rabat, nous avons prévu plusieurs événements pour les prochains 5 à 6 mois.

Notamment une semaine consacrée à la cuisine italienne, une autre dédiée au design, un festival de cinéma italien, des concerts de musique classique à Rabat, Casablanca, Ifrane et Fès, mais aussi la participation au festival de musique Visa for Music (du 22 au 25 novembre à Rabat, ndlr), et une collaboration spéciale avec la Biennale de Venise.

Tout cela en collaboration avec nos partenaires marocains comme le ministère de la Culture, la Fondation Hiba, l’Orchestre philarmonique du Maroc et la Fondation Ténor. Notre objectif est que nos amis marocains qui souhaitent y participer disposent de toutes les informations nécessaires.

Dernièrement, lors de Semaine de la langue italienne, l’Institut culturel italien de Rabat a organisé plusieurs spectacles, y compris des prestations de magiciens, visant à rendre la langue italienne magique pour les enfants et les adultes.

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