TelQuel : Concrètement, que couvre le budget de 608 millions de dirhams annoncé pour le programme TNVR allant de 2019 à 2024 ?
Il ne s’agit pas du programme TNVR, le programme 2019-2024 concerne la couverture territoriale en Bureaux communaux d’hygiène (BCH). Car avant 2018, nous avions un taux de couverture qui ne dépassait pas les 18 %. Ce programme vise la création de 76 BCH dans le cadre de groupements de collectivités territoriales, avec un budget de 608 millions de dirhams financé à 50 % par la Direction générale des collectivités territoriales. Nous visons un taux de couverture de 71 % en 2024.
Ces BCH auront plusieurs fonctions : lutte contre les vecteurs de maladies (moustiques, rats, etc.), hygiène alimentaire, médico-légal (gestion des morgues, transport mortuaire, etc.), mais aussi lutte contre la rage avec la construction de centres antirabiques pour la prise en charge gratuite des personnes exposées à cette infection virale, et gestion des chiens et chats errants avec la construction de dispensaires animaliers. L’approche TNVR est donc une composante de ce programme.
Où en est sa mise en application ?
Le programme 2019-2024 a pris du retard avec le Covid, mais le taux de couverture en BCH est passé de 18 % en 2018 à 45 % en 2022.
En 2020, et dans le cadre de la mise en œuvre de la convention de 2019 (TNVR), nous avons adopté un programme pour accompagner les collectivités territoriales à se doter de dispensaires animaliers aux normes. Pour l’instant, nous y avons consacré un budget de 54 millions de dirhams sur plusieurs communes.
“Il faut convaincre les communes d’adhérer à l’approche TNVR”
L’idée est de couvrir tout le territoire, car on ne peut pas stériliser les chiens et chats sans infrastructure adaptée. Généralement, toutes les demandes d’appui concernant la construction et l’équipement des dispensaires animaliers sont satisfaites. Il faut juste que les collectivités concernées identifient un terrain pour construire un dispensaire aux normes. L’assiette foncière reste un problème, parce qu’un refuge doit être éloigné des villes, raccordé aux réseaux d’eau, d’assainissement, d’électricité, etc. Il faut respecter plusieurs critères.
La problématique de la gestion des chiens errants est dans le collimateur du ministère, et elle est transversale. On ne peut pas lutter contre le problème des chiens errants sans penser à la gestion des déchets qui constituent des sources de nourriture pour ces animaux.
“Nous avons invité les communes à collaborer avec les associations, à profiter de leur expérience pour résoudre ce problème”
Il faut aussi convaincre les communes d’adhérer à cette approche. Pour cela, entre le 23 mai et le 1er juin, nous avons organisé des visites au niveau des régions de Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Fès-Meknès, Marrakech-Safi et Souss-Massa pour accélérer la mise en place du TNVR.
Nous les avons également invitées à collaborer avec les associations, à profiter de leur expérience pour résoudre ce problème. Ces associations doivent s’organiser davantage pour mieux accompagner ce chantier et constituer de véritables partenariats pour les communes. D’autres visites seront programmées très prochainement dans d’autres régions.
Le dispensaire d’El Arjat, projet pilote dans la région de Rabat, a été le premier opérationnel dans le cadre de la convention, mais la gestion n’a pas suivi…
La gestion des dispensaires relève des communes. Le rôle du ministère de l’Intérieur est d’accompagner les collectivités pour la construction et l’équipement des dispensaires animaliers, l’acquisition de véhicules et de petits matériels (lassos, filets, habillement de protection individuelle, etc.), la formation des équipes chargées de la capture. Le ministère n’intervient pas dans la gestion, car c’est une affaire locale. Le mode de gestion des dispensaires doit être préparé avant l’opérationnalisation de ces équipements.
Ce sont donc les communes qui vont choisir des associations partenaires ?
Oui. La convention de 2019 prévoit parmi ses dispositions que les communes peuvent impliquer les associations dans la gestion de la problématique des chiens errants, la sensibilisation sur les maladies transmises par les chiens, la formation des équipes chargées de la capture, etc.
Et si une commune estime qu’elle n’a pas le budget pour la stérilisation de ses chiens errants ?
Chaque commune a déjà son propre budget pour la lutte contre la rage et les animaux errants. L’ONSSA fournit les vaccins gratuitement dans le cadre de la convention de 2019, et avec l’Ordre des vétérinaires, nous sommes en négociation pour diminuer le prix des actes vétérinaires, afin d’inciter toutes les communes à adhérer à cette approche et accélérer la mise en place du TNVR.
Actuellement, on dispose d’une trentaine de vétérinaires communaux au niveau national et il faut au mois un vétérinaire par BCH. Le ministère de l’Intérieur œuvre pour renforcer les ressources humaines au niveau de ces BCH et pour renforcer le partenariat avec l’Ordre des vétérinaires pour activer la mise en œuvre de l’approche TNVR.
“Il faut protéger les personnes, mais dans le respect du bien-être animal”
Il faut que toutes les parties prenantes y contribuent pour que l’on puisse stériliser et vacciner un maximum de chiens, ce qui va permettre de réduire l’incidence de la rage, mais aussi d’autres zoonoses véhiculées par ces animaux (kyste hydatique et leishmaniose viscérale), sachant que 40 % des personnes mordues par des chiens au Maroc sont des enfants de moins de 15 ans. Il faut protéger les personnes, mais dans le respect du bien-être animal.
Tout le monde est concerné par cette problématique, tout le monde doit coopérer pour y remédier dans une vision intégrée impliquant les départements ministériels (Intérieur, Santé, Agriculture, etc.), les collectivités territoriales, l’ONSSA, l’Ordre des vétérinaires, la société civile et le citoyen qui constitue un maillon incontournable. C’est un acte citoyen.
Comment expliquez-vous la recrudescence des abattages ces derniers mois par les communes, en opposition avec les directives du ministère ?
La stratégie adoptée par le ministère de l’Intérieur consiste à rompre avec les méthodes classiques pour la gestion des animaux errants et à adopter des méthodes qui ont montré leur efficacité à l’échelle internationale. C’est un choix irréversible en faveur de notre pays, et toutes les circulaires ministérielles diffusées s’alignent avec les objectifs tracés dans cette stratégie.
La transition n’est pas facile, certes, cela prendra un peu de temps, d’autant plus face aux multiples attaques et morsures de chiens enragés qui mettent en péril la santé et la vie des citoyens, et par conséquent l’ordre public.
En attendant la construction des dispensaires pour accueillir les chiens, encouragez-vous les communes à se tourner vers les associations qui disposent d’un refuge et appliquent déjà le TNVR ?
Oui, le rôle des associations est incontournable, certaines appliquent le TNVR depuis des années. Les communes peuvent se tourner vers ces associations pour capitaliser sur leurs expériences réussies.
Plusieurs associations réclament une loi pour la protection animale, est-ce envisageable ?
Actuellement, les services du ministère de l’Intérieur, en concertation avec les départements concernés, mènent une réflexion pour établir un cadre juridique adéquat avec des dispositions qui vont conforter les efforts consentis dans le respect du bien-être animal.
Dans ce cas, des mesures seraient envisageables pour les communes qui ne respecteraient pas le bien-être animal ?
Toutes les collectivités territoriales sont engagées pour adopter l’approche TNVR. Plusieurs communes sont déjà à un stade avancé (Rabat, Tanger, Marrakech, Agadir, Oujda, Casablanca, Sidi Slimane, Dakhla, Amezmiz, etc.). Les autres vont certainement suivre et le ministère apportera l’appui nécessaire pour réussir ce chantier.
Quelle est l’échéance à long terme pour la réalisation du programme TNVR ?
Nous sommes en vitesse de croisière pour le moment. D’ici 2025, des résultats palpables seront atteints en termes de gestion de la population canine et de réduction de l’incidence des maladies transmises par ces animaux à travers la stérilisation massive et la vaccination.