En attendant de sauver la planète

Par Fatym Layachi

En ce moment, tu ne comprends pas grand-chose au monde et à la façon dont elle tourne. Tu ne comprends pas le temps qu’il fait. Tu ne comprends pas Zee qui est encore en train de s’amouracher d’un énième connard. Tu ne comprends pas ton collègue qui continue de défendre des théories du complot capillotractées. Tu ne comprends pas ta mère et ses nouvelles obsessions qu’elle veut à tout prix partager avec toi à coups de notes vocales envoyées sur WhatsApp et qui durent beaucoup trop longtemps même quand tu les écoutes en accéléré.

Tu ne comprends pas ta voisine et sa volonté farouche de se mêler de ta vie en te posant des questions incongrues à chaque fois que tu la croises dans l’ascenseur ou en sortant du parking. Tu ne comprends pas ta cousine qui continue de te proposer de l’accompagner à un stage de méditation en pleine conscience malgré toutes les excuses que tu as pu invoquer pour esquiver.

Enfin bref, il y a tout un paquet de trucs que tu ne comprends pas, que tu ne cherches surtout pas à comprendre et ça te va très bien. Mais il y a tout de même un truc qui a l’air de partir un peu trop en vrille et qui t’inquiète un peu, c’est le climat. Et disons que tu as le goût des euphémismes.

Parce qu’en vrai, en ce moment, la météo c’est du grand n’importe quoi. Il y a eu de la grêle en bord de mer, il a neigé dans certaines parties du pays, il y a eu des tempêtes et des rafales de vent alors que nous sommes en mai. Et quelques jours plus tard, la Direction générale de la météorologie a annoncé qu’une vague de chaleur déferlerait sur plusieurs régions du royaume.

C’est plutôt flippant. C’est flippant de se dire que la sècheresse, depuis une dizaine d’années, est devenue chronique. C’est flippant de se dire que tous les ans, c’est la même chose, les réserves d’eau sont bien trop basses, l’agriculture est menacée et des villages sont assoiffés. Le stress hydrique est devenu la norme. Et c’est une norme angoissante.

“Cette année, le Maroc lance plusieurs projets de dessalement de l’eau de mer et d’ici 2030, le pays disposera d’une vingtaine de stations de dessalement”

Fatym Layachi

En plus, ce n’est pas comme si ce désastre était dû au hasard. Toi, même si tu n’y connais pas grand-chose en enjeux climatiques, que tu n’es pas trop sûre de savoir à quoi est censé ressembler la couche d’ozone et que tu n’as aucune idée de ce que veut dire l’éco-anxiété, tu ne peux pas t’empêcher de te dire que nos modes de vie y sont pour quelque chose dans ces dérèglements. “Le changement climatique provoqué par l’humanité a multiplié par au moins cent la probabilité de vagues de chaleur records en Espagne, au Portugal, au Maroc et en Algérie par rapport au contexte climatique préindustriel”, et ça, pour le coup, ce n’est pas toi qui le dis, ce sont les scientifiques du WWA, le consortium international qui traque le dérèglement climatique. Encore plus angoissants, puisque crédibles !

Et si tu pousses un peu ta curiosité scientifique, tu découvres que plusieurs études sont formelles. Selon leurs projections, les pénuries d’eau vont être de plus en plus importantes dans la région. L’ONU va même jusqu’à affirmer que “d’ici 2030 la demande en eau aura dépassé de 40% la production globale”. Encore plus angoissant, encore plus crédible.

Et au milieu de toutes ces sources d’angoisse, tu découvres dans tes errances sur les internets que cette année, le Maroc lance plusieurs projets de dessalement de l’eau de mer et que d’ici 2030, le pays disposera d’une vingtaine de stations de dessalement. Et tu trouves ça un peu rassurant. Parce que, en attendant de trouver de vraies solutions pour prendre soin de la planète, c’est pas si mal de voir qu’il y a des initiatives pour tenter de minimiser ces ravages.