Chers fabricants de tabac,
Entre vous et nous, ça n’a jamais vraiment accroché. Pourtant, vous avez bien tenté de flirter avec nous. Mais nos natures sont viscéralement différentes. Historiquement, vous avez toujours privilégié l’enfumage et la confusion lorsque le rôle d’un titre de presse est d’apporter de la clarté, mais aussi de la compréhension.
Certes, d’autres sont tombés sous votre charme. Après tout, en cette période de crise, qui pourrait refuser un partenariat alléchant, alors que les titres de presse, à quelques exceptions près, s’enfoncent dans le rouge ?
“Il est difficile de croire des entreprises qui nous ont menti pendant si longtemps”
Mais pour nous, il est difficile de croire des entreprises qui nous ont menti pendant si longtemps. Car il est difficile d’oublier ces campagnes publicitaires dans lesquelles on voyait des bébés encourager leur maman à fumer, comme si les cigarettes ne représentaient aucun danger pour les plus jeunes. Il est également difficile d’oublier qu’historiquement, vous vous êtes battus pour éviter d’avoir à signaler les risques que présente la consommation de tabac. Et que ces règlementations, vous essayez désormais de les contourner.
Chaque année, votre industrie tue 7 millions de personnes dans le monde. Pourtant, vous avez multiplié les innovations technologiques censées réduire la nocivité de vos produits en nous présentant des filtres révolutionnaires, censés prévenir l’irritation de la gorge, ou encore un tabac soi-disant moins nocif que le tabac traditionnel. On aimerait vous croire…
Mais vos produits continuent à tuer et le coût des maladies attribuables au tabac continue à peser sur les finances publiques. Et comme ce ne sont pas les scrupules qui vous étouffent, vous testez vos produits et “innovations” dans les pays les moins développés. Comme si les habitants du Tiers-monde constituaient de vulgaires cobayes à vos yeux…
Chers fabricants de tabac, ce n’est pas comme si vous cherchiez à rembourser votre dette envers la société. Vos nouveaux produits ne font que renforcer une addiction qui tue depuis maintenant plusieurs décennies. Pire encore, vous dribblez les impôts, creusant davantage le déficit budgétaire de certains états.
De toute façon, vous n’avez que très peu d’égard pour la loi. Aujourd’hui encore, certaines de vos campagnes publicitaires s’affichent à la vue de tous, même celle des enfants que vous vous êtes pourtant engagés à ne pas transformer en consommateurs.
Contrairement à vous, nous pouvons dormir la conscience tranquille. Car aucune de nos actions ne mène à la mort de nos lecteurs. Libre à vous, bien sûr, de mener vos différentes campagnes publicitaires chez d’autres supports. Mais jamais nous n’associerions notre nom au vôtre. Nous ne roulerons jamais pour vous.
Yassine Majdi
Directeur des rédactions de TelQuel