Le royaume devenu indispensable dans la résolution du dossier libyen ? Le président de la Chambre des représentants libyen Aguila Saleh ne dit pas autre chose : “Les parties libyennes ne peuvent se passer du rôle du Maroc, ni de ses efforts soutenus pour trouver une issue à la crise, eu égard à la place mondiale du royaume et à son soutien constant à Libye.”
En déplacement au Maroc depuis ce jeudi 2 septembre, l’homme politique libyen a été reçu à l’aéroport de Rabat-Salé par son homologue marocain, Habib El Malki, avant de s’entretenir avec le ministre des Affaires étrangères marocain Nasser Bourita plus tard dans l’après-midi. Une visite qui fait écho à la tenue prochaine d’élections en Libye, dans un contexte encore incertain.
“Une étape décisive”
Pour le ministre marocain, ce scrutin représente “une étape décisive”, ainsi que la “seule voie de règlement du dossier libyen”. “Les Libyens en ont assez de l’état d’inertie et de division, a expliqué Nasser Bourita en conférence de presse, au sortir de ses entretiens avec le représentant libyen. Il est temps de trancher la question de la légitimité en Libye par l’organisation des élections dans leur date et éviter toute complication supplémentaire.”
Initialement prévue pour le 23 décembre, la tenue de ces élections reste encore à confirmer. “Nous attendons encore que le Parlement valide la loi électorale pour la tenue des élections. Ceci peut entraver ou retarder le scrutin”, a argué, mercredi, la ministre libyenne des Affaires étrangères Najla al-Mangoush.
Depuis Alger, où elle s’est rendue à l’occasion d’une réunion des pays du voisinage libyen ce mercredi, la cheffe de la diplomatie a maintenu le flou. “Nous œuvrons tous à ce que les élections aient lieu en décembre”, à la date fixée, a-t-elle d’abord avancé, avant d’ajouter : “En tant que gouvernement, nous avons fait tout ce qu’il fallait pour avancer vers les élections, en apportant notre soutien financier, logistique et matériel à la commission électorale.”
Les Libyens pâtissent toujours du chaos qui frappe leur pays depuis la chute, en 2011, du régime de Mouammar Kadhafi. Entre une économie à terre et l’interventionnisme de plusieurs acteurs étrangers dans les affaires internes, ce pays riche en hydrocarbures peine toujours à se redresser.
Après un accord sur un cessez-le-feu entre autorités rivales conclu en octobre 2020, un gouvernement unifié et transitoire a été installé sous la houlette de l’ONU, mi-mars, afin de conduire les élections annoncées pour mi-décembre.
Rabat veut garder la main
“La résolution de la crise ne se fera pas moyennant les Congrès ou les ingérences extérieures, mais par les Libyens eux-mêmes à travers l’exercice démocratique et l’organisation des élections conformément au calendrier fixé antérieurement”, a répété, ce jeudi, le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita.
C’est que la Libye est devenue depuis courant 2019 l’un des fils rouges de la diplomatie marocaine. Au moment où le maréchal Khalifa Haftar menait le siège sur la capitale Tripoli, le Maroc redoutait la perspective de voir se profiler près de ses frontières de nombreuses ingérences étrangères dans la région.
Fidèle à sa position de “neutralité constructive”, le Maroc avait accueilli, lors d’un sommet tenu à Bouznika les 6 et 7 septembre 2020, une réunion entre les différentes parties libyennes, le Haut conseil d’État libyen et le Parlement de Tobrouk notamment. En janvier, de nouvelles discussions avaient eu lieu à Bouznika et Tanger entre les différents interlocuteurs libyens sous l’égide du Maroc.
Cinq ans après avoir abrité les accords de Skhirat, Rabat reprenait alors de l’envergure sur un dossier dans lequel il n’avait que très peu goûté d’être mis sur la touche, en janvier 2020, lors d’une conférence à Berlin consacrée au respect de l’embargo sur les armes.
Invité au sommet Berlin 2, le Maroc n’avait pas fait le déplacement dans la capitale allemande, dans un contexte de tension entre les deux pays. Pour Rabat, “il n’y a pas de solution berlinoise à un problème d’Afrique du Nord”, avait indiqué Nasser Bourita fin juin.
En parallèle, le ministre avait reçu le chef du gouvernement de transition libyen Abdelhamid Dbeibah lors d’une visite de travail, quelques jours seulement après avoir reçu Aguila Saleh.