Affaire Adnane : le principal accusé condamné à la peine de mort, un membre de la partie civile dénonce une “loi du talion”

Quatre mois après les faits, la Cour d’appel de Tanger a rendu son verdict dans l’affaire Adnane, ce jeune garçon enlevé, violé et tué à l’automne dernier. Le principal accusé écope de la peine de mort et trois autres personnes ont été condamnées à quatre mois de prison ferme.

Par

DR

Après neuf heures d’une audience ajournée à maintes reprises, la Cour d’appel de Tanger a finalement rendu son verdict, ce mercredi 13 janvier, dans le cadre de l’affaire Adnane Bouchouf, cet enfant de 11 ans kidnappé, violé et retrouvé mort le 11 septembre 2020 dans la cité du Détroit. Le principal accusé, A.H., a été condamné à la peine de mort. Trois autres personnes, les colocataires d’A.H., étaient également poursuivies dans cette affaire et écopent de quatre mois de prison ferme pour “dissimulation de crime commis” et “non-dénonciation des faits”.

Demande de rançon

Le principal accusé, âgé de 24 ans, a été reconnu coupable d’enlèvement, de séquestration, d’attentat à la pudeur et de meurtre avec préméditation. Lors du procès qui a connu son dénouement au petit matin, A.H. s’est défendu d’avoir violé le jeune Adnane. “J’ai enlevé l’enfant parce que j’avais besoin d’argent”, a-t-il déclaré au tribunal, d’après Al Yaoum24. Selon le média arabophone, l’accusé a expliqué avoir kidnappé le mineur dans le but de “demander une rançon”.

à lire aussi

Cette décision survient quatre mois après les faits. Le 11 septembre 2020, les forces de police de Tanger arrêtent A.H., alors soupçonné pour son implication dans le meurtre d’Adnane Bouchouf, disparu le 7 septembre. Originaire de Ksar El Kébir et salarié de la zone industrielle de Tanger, tout comme les trois autres inculpés, l’accusé avait croisé Adnane peu après avoir quitté son lieu de travail et convaincu le jeune garçon de le suivre à son domicile, situé à quelques pâtés de maisons de celui de la famille de la victime.

C’est là que A.H. aurait tué l’enfant, alors “presque inconscient”, en mettant “un sac en plastique autour de sa tête”. Il l’aurait “sévèrement étouffé en utilisant ses deux mains au niveau de son cou jusqu’à ce qu’il décède”, d’après le compte-rendu de la police de Bni Makada, parvenu à TelQuel.

“Le droit à la vie”

Vingt-quatre heures après le drame, la disparition de l’enfant faisait déjà le tour des médias et des réseaux sociaux. La traque du principal suspect avait fortement mobilisé et ému l’opinion publique, notamment sur les réseaux sociaux. D’autant que la disparition d’Adnane a cristallisé de nombreuses critiques sur la durée des recherches et leur gestion purement sécuritaire, un mal récurrent dans les affaires d’enlèvement d’enfants.

“L’État et les pouvoirs publics ne peuvent pas répondre à un meurtre par un appel à la mort”

Me Abderrahim Jamaï

Une fois l’accusé arrêté, nombreuses ont été les voix dans l’opinion publique à réclamer la perpétuité, sinon la peine de mort pour l’auteur du crime. Un facteur qui a pu influencer la décision de condamner à mort A.H. ? “La justice a un rôle pour sauvegarder le droit à la vie”, affirme maître Abderrahim Jamaï, pour qui “la justice de la rue n’est pas pour autant justice”.

Avocat de l’Observatoire national des droits de l’enfant (ONDE), constitué partie civile dans cette affaire, maître Jamaï est également coordinateur du Réseau des avocats contre la peine de mort et ancien bâtonnier. Pour lui, “la peine de mort n’a jamais été un facteur de condamnation”. Il reproche à la justice d’envoyer “un mauvais signal” en ce début d’année.

Si le Maroc fait toujours partie des pays prononçant des peines capitales, plus personne n’a été exécuté depuis 1993, puisque la condamnation fait l’objet d’un moratoire depuis. “Nous avons affaire à un crime qui est bien là et la justice doit répondre de ce crime. Mais la peine de mort n’est ni un châtiment juste ni un châtiment qui peut mettre fin à ce type de crime de façon générale. C’est la loi du talion”, explique l’avocat de l’ONDE qui obtient “un dirham symbolique” de dédommagement dans cette affaire.

“L’État et les pouvoirs publics ne peuvent pas répondre à un meurtre par un appel à la mort”, poursuit-il. Attendu depuis quatre mois, le dénouement de l’affaire Adnane devrait sans aucun doute remettre sur la table le débat sur la peine capitale.