Face à la pandémie de Covid-19, les États s’attachent à lutter contre la propagation de la pandémie au sein de leur propre population. Mais la situation actuelle ne peut être gérée correctement sans garantir que tout le monde — y compris les migrants, les réfugiés, les personnes déplacées et les demandeurs d’asile — soit pris en compte dans les mesures sanitaires, économiques et sociales prises pour faire face à la crise.
Cette pandémie exacerbe les vulnérabilités des 272 millions de migrants dans le monde. Les personnes migrantes sont confrontées aux mêmes risques liés au Covid-19 que les populations nationales, mais elles font face à des vulnérabilités accrues en raison des circonstances de leur voyage ainsi que des mauvaises conditions de vie et de travail dans lesquelles elles peuvent se trouver.
Vulnérabilité économique accrue
Le Maroc est un pays d’accueil, de destination et de transit pour les migrant·e·s. Il accueille ainsi sur tout son territoire une immigration de travail régulière, des étudiants étrangers, des migrants en situation irrégulière, “en transit” souvent depuis de longues années et enfin, des demandeurs d’asile et des réfugiés. Selon l’OIM, il y aurait 95.000 personnes migrantes internationales résidant au Maroc en 2017, dont 40.000 migrants irréguliers et 5000 réfugiés.
“Tu peux voir un homme rester debout mais il n’a même pas 1 dirham dans ses poches. Il a faim !”
Les besoins essentiels des personnes migrantes ne sont pas ou insuffisamment couverts. Les mesures de confinement et la fermeture des activités en raison de la pandémie les affectent particulièrement car elles occupent souvent des emplois précaires, informels ou doivent pratiquer la mendicité. “Les migrants souffrent terriblement. Certains d’entre eux essayent de le cacher mais difficilement ! Tu peux voir un homme rester debout mais il n’a même pas 1 dirham dans ses poches. Il a faim !”, déplore Mamadou, 28 ans, Guinéen.
Le gouvernement marocain a mis en place des dispositifs pour compenser la perte de revenus pour les personnes travaillant dans l’informel et a ouvert des centres d’accueil pour les personnes vivant dans la rue mais à ce jour, ces dispositifs ne sont pas ouverts aux personnes migrantes ou réfugiées.
Accès à la santé freiné par la peur des contrôles
En temps de pandémie plus que jamais, les migrants et les réfugiés ont droit au meilleur état de santé possible. Cependant, paradoxalement, la pandémie du Covid-19 a rendu plus difficile l’accès aux services de santé pour les personnes migrantes en situation régulière ou irrégulière. En effet, certaines personnes ont des difficultés pour récupérer l’autorisation de sortie de leur domicile.
De plus, par crainte des arrestations en raison de la multiplication des contrôles de police due au confinement, la majorité des migrants irréguliers ne se déplace pas et n’accède pas aux services de santé. “Depuis le confinement, avec les déplacements restreints, les personnes migrantes malades se trouvent bloquées. L’accès aux soins qui avant était garanti est devenu plus compliqué”, observe un acteur associatif à Oujda.
Droits des étrangers et des réfugiés bafoués
L’épidémie de Covid-19 met à l’arrêt de nombreux services administratifs. Impossible de déposer une demande ou un renouvellement de titre de séjour. Certains services comme le dépôt de plainte peuvent se faire en ligne mais ils ne sont accessibles qu’en langue arabe. Et pour la première fois depuis la Convention de Genève, l’accès à l’asile est suspendu. Si l’enregistrement des demandes d’asile peut se faire en ligne ou par téléphone, l’examen pour la détermination du statut de réfugié est suspendu.
“Les campements des migrants subsahariens de Bekoya et Boulingo à Nador ont été détruits et incendiés”
À Nador, alors que les destructions de campements, les arrestations et les déportations avaient cessé depuis le début de la crise, l’AMDH a dénoncé la reprise de ces pratiques la semaine dernière. “Les campements des migrants subsahariens de Bekoya et Boulingo à Nador ont été détruits et incendiés avec les abris et le peu d’aliments dont disposent les migrants. Près de 60 migrants ont été arrêtés, parmi eux des femmes et des enfants. Sans respecter les normes d’éloignement et protection, ces migrants arrêtés ont été embarqués dans des véhicules. Les femmes avec leurs enfants ont été refoulées vers une destination inconnue, alors que les hommes sont détenus au centre d’enfermement d’Arekmane”, nous informe un membre de l’association.
Difficultés à porter assistance
Depuis maintenant plus d’un mois, la plupart des projets d’assistance conçus pour soutenir les personnes migrantes et réfugiées ont dû restreindre, adapter ou fermer leurs activités exacerbant ainsi la vulnérabilité des personnes qui en dépendaient.
Faire en sorte que l’aide parvienne aux personnes qui en ont le plus besoin, sans discrimination de sexe, de genre, de nationalité
La société civile a dû rapidement s’adapter pour répondre à l’augmentation des besoins spécifiques durant cette période : aide alimentaire, aide au logement, soins de santé notamment. Mais ces besoins sont importants et l’aide reste limitée. En outre, des associations ont rencontré des difficultés pour obtenir les autorisations requises pour ces projets d’assistance d’urgence.
Une approche pleinement inclusive est essentielle à une réponse efficace à cette pandémie. Oxfam au Maroc appelle les autorités gouvernementales à protéger les personnes migrantes et les réfugiés dans cette crise. Les réponses politiques, économiques et sociales doivent faire en sorte que l’aide parvienne aux personnes qui en ont le plus besoin, sans discrimination de sexe, de genre, de nationalité, à travers :
• Des mesures visant à atténuer les conséquences sociales et économiques de la crise prises par le gouvernement. Celles-ci doivent pleinement inclure les migrants et les réfugiés sans discrimination, y compris ceux qui travaillent dans l’économie informelle et indépendamment de leur statut migratoire.
• Les autorisations de sorties doivent être fournies aux personnes migrantes indépendamment de leur statut migratoire, notamment pour garantir leur accès à la santé
• Les personnes migrantes et réfugiées doivent se voir garantir le droit à une protection y compris l’accès aux tests et à la détection précoce du COVID-19, et la possibilité d’appliquer une distance physique, l’isolement et autres mesures sanitaires appropriées.
• Nous alertons les autorités sur la nécessité d’arrêter toutes actions qui risquent d’aggraver les vulnérabilités et veiller plutôt à garantir la santé des personnes et limiter les risques de propagation
• Les autorités locales et nationales doivent également supporter la société civile en garantissant les autorisations nécessaires pour la réalisation d’interventions humanitaires, particulièrement lorsque celles-ci consistent en la provision d’aide alimentaire, de soins de santé et d’aide au logement.
• La régularisation temporaire des sans-papiers ou au moins, la suspension des arrestations et détentions administratives.