L'octogénaire qui a tiré sur la mosquée de Bayonne avait fait une demande de nationalité marocaine

L’homme de 84 ans, auteur de l'attentat de la mosquée de Bayonne, est né au Maroc où il aurait fait ses études et son service militaire français. Il évoque son enfance dans un ouvrage décousu, autopublié il y a quelques années, où il livrait déjà une pensée islamophobe.

Par

Claude Sinké, l'auteur de l'attentat à Bayonne, a passé 27 ans au Maroc. Crédit: Capture d'écran Facebook

Qui est Claude Sinké, l’octogénaire qui a avoué être l’auteur de l’attentat de la mosquée de Bayonne le lundi 28 octobre ? C’est ce que les enquêteurs français s’appliquent à découvrir sur ce tireur solitaire, quasiment inconnu des services de police et décrit comme “instable psychologiquement”. Mis en examen mercredi 30 octobre avant d’être placé en détention provisoire, cet homme âgé de 84 ans aurait passé une grande partie de sa vie au Maroc.

C’est ce qu’indique Marianne, le 30 octobre : “Claude Sinké est né au Maroc, où il assure avoir vécu 27 ans. L’hebdomadaire français s’est procuré l’ouvrage du tireur, “un opuscule décousu” de 84 pages, auxquelles s’ajoutent 69 pages d’annexes, dans lequel il fait part de “son analyse de la société française” et de ses obsessions : l’islam et les homosexuels.

Quand Sinké voulait la nationalité marocaine

Intitulé La France à cœur ouvert ou la misère humaine, le livre compile quelques informations biographiques sur le suspect alors que le parquet et son avocat étaient restés, jusque-là, très évasifs. Claude Sinké est né à Meknès en septembre 1935, de père légionnaire. Une jeunesse passée au Maroc, alors sous protectorat français.

Sur sa page Facebook, l’auteur de l’attaque se dit marié depuis 1955 et ancien élève de “l’école industrielle de Casablanca”, comme l’a repéré Le Figaro dans un portrait consacré à l’octogénaire. Cette école pourrait correspondre à l’actuel lycée Al Khaouarizmy situé quartier la Gironde.

à lire aussi

Marianne évoque une anecdote cocasse, présente dans l’ouvrage et remontant à quelques années. L’octogénaire aurait “tout naturellement” sollicité la double nationalité auprès du consul marocain de Bordeaux. Les personnes de parents français, nées au Maroc durant le protectorat, conservaient leur nationalité française de plein droit.

Une demande qui a alors été refusée par le consulat et que l’intéressé semble avoir pris pour une discrimination. “Il ajouta [le consul marocain de Bordeaux, NDLR] qu’il serait heureux de me la donner à condition que je devienne musulman car le Maroc n’acceptait pas les chrétiens”, écrit-il dans son livre. Pire, il semblerait en avoir gardé “une vive amertume”, constate Marianne : “Les Français se gaussent de vivre dans un pays respectant les droits de l’Homme, ils accueillent à bras ouverts les nouveaux venus, alors que la réciproque n’est pas de mise dans les pays musulmans.”

Passé par les rangs du Front National plus tard, dont il a été un éphémère candidat aux départementales de 2015, Claude Sinké a également été marqué par son service militaire effectué à Rabat dès 1956. Il en obtiendra le “grade de maréchal des logis”, avant de s’inscrire, d’après ses dires, dans la réserve active au 31e régiment d’infanterie. “Je préfère mourir les armes à la main que mourir à coups de pied dans le cul”, aurait-il dit à un général qui l’interrogeait sur ses motivations.

Amateur de théories du complot et islamophobe

Elevé dans le catholicisme, il s’est par la suite converti au catharisme, ce mouvement religieux dont les fidèles font vœu de pauvreté, fermement opposés à l’Eglise romaine et son clergé. “Je suis devenu un fidèle du catharisme. Je ne reconnais pas l’Ancien Testament, je désire vivre la vie du Christ, selon les évangiles. Pour les cathares, Satan n’existe pas. […] Satan, c’est l’homme”, détaille-t-il.

Un ouvrage dans lequel l’islam occupe une grande partie des réflexions de ce conservateur convaincu. “L’islam est aujourd’hui la deuxième religion pratiquée au monde après le christianisme. Pour ma part, je la considère comme incompatible avec nos lois et nos principes libertaires, les plus grandes richesses de notre civilisation européenne.” Un discours motivé après lecture du Coran, “pour savoir ce qu’il y avait de contradictoire avec notre système républicain, libertaire, égalitaire et fraternel”, et d’une islamisation de la France qu’il semble constater. “Les chrétiens de France et d’ailleurs n’ont-ils pas le droit de ressentir la peur de voir leur pays s’islamiser de la sorte ?”, se questionne-t-il. Et d’ajouter : “Ces ennemis invisibles nous ont déclaré la guerre et à la guerre, il n’y a pas d’état de droit, il y a la loi martiale et l’état d’exception.

Un exemple parmi d’autres, dans un livre où lui-même se dit “sensible à des théories complotistes véhiculées sur Internet”, explique Marianne. Un point constaté ces derniers jours, lors de son audition le 29 octobre sur les motifs de son attaque de la mosquée. “Il a déclaré qu’il voulait venger la destruction de Notre-Dame de Paris, affirmant que l’incendie de cet édifice a été provoqué par des membres de la communauté musulmane”, expliquait Marc Mariée, procureur de Bayonne. Le lendemain, ce dernier annonçait dans un communiqué que l’expertise avait “conclu à une altération partielle de son discernement et/ou du contrôle de ses actes”.

 

Pendant que vous êtes là…

Pour continuer à fournir de l’information vérifiée et approfondie, TelQuel a besoin de votre soutien à travers les abonnements. Le modèle classique de la publicité ne permet plus de financer la production d’une information indépendante et de qualité. Or, analyser notre société, réaliser des reportages et mener des enquêtes pour montrer le Maroc « tel qu’il est » a bel et bien un coût.

Un coût qui n’a pas de prix, tant la presse est un socle de la démocratie. Parce qu’à TelQuel nous en sommes convaincus, nous avons fait le choix d’investir dans le journalisme, en privilégiant l’information qui a du sens plutôt que la course aux clics. Pour cela, notre équipe est constituée de journalistes professionnels. Nous continuons aussi à investir dans des solutions technologiques pour vous offrir la meilleure expérience de lecture.

En souscrivant à une de nos formules d’abonnement, vous soutenez ces efforts. Vous accédez aussi à des avantages réservés aux abonnés et à des contenus exclusifs. Si vous êtes déjà abonné, vous pouvez continuer à encourager TelQuel en partageant ce message par email


Engagez-vous à nos côtés pour un journalisme indépendant et exigeant