Des relations au beau fixe, amenées à être renforcées. En marge de la visite d’État du roi d’Espagne Felipe VI, les ministres des Affaires étrangères marocain et espagnol, Nasser Bourita et Josep Borell, ont tenu conjointement un point-presse ce jeudi au ministère des Affaires étrangères à Rabat. Pour les deux ministres : le Maroc et l’Espagne entretiennent une relation qui est «un modèle de coopération dans un monde trouble et où la coopération ne constitue pas l’actif le plus important de la politique internationale», a ainsi déclaré le ministre ibère, à la fin de son intervention.
Les deux homologues sont revenus sur les développements des dernières vingt-quatre heures. Ils ont notamment évoqué le renforcement des relations bilatérales avec la signature d’un partenariat stratégique multidimensionnel. « Un instrument juridique nouveau » et « gagnant-gagnant ». Selon Nasser Bourita, ce mécanisme exprime « la volonté de hisser les relations à un niveau ambitieux fondé sur la confiance et le respect mutuel ». Au coeur de ce dispositif, la signature de onze accords principalement articulés autour de quatre axes : la coopération, le domaine sécuritaire, les partenariats économiques et enfin les échanges culturels.
Win-win
« La visite intervient dans un contexte de relations excellentes entre les deux pays, portées par une profonde amitié entre les deux souverains et des liens forts des familles royales », a annoncé d’emblée Nasser Bourita lors de cette conférence de presse. Le partenariat stratégique entre le Maroc et l’Espagne complètera le précédent traité d’amitié signé entre les deux royaumes, en juillet 1991, lors d’une rencontre entre les pères des deux actuels monarques, Hassan II et Juan Carlos.
Premier partenaire commercial du Maroc depuis cinq ans, l’Espagne a mis l’accent sur l’axe économique. La preuve : pas moins d’une quarantaine d’hommes et femmes d’affaires font partie de la délégation accompagnant le couple royal espagnol. « Il y a un lien important entre les secteurs privés marocains et espagnols », explique Josep Borell. Le chef de la diplomatie ibérique n’a pas manqué de rappeler que le Maroc est la première destination des investissements des entreprises espagnoles en Afrique.
Parmi la dizaine d’accords signés, certains ont trait au renforcement du partenariat dans le domaine de l’aéronautique, des flux maritimes et de l’énergie. Dans le domaine énergétique précisément, Josep Borell a appelé de ses voeux à la réalisation d’une troisième interconnexion électrique avec le Maroc.
Le ministre espagnol a par ailleurs insisté sur la nécessité de « nouveaux investissements majeurs ». C’est en ce sens que c’est tenu le forum économique entre la délégation d’hommes et femmes d’affaires espagnols et le patronat marocain. Côté marocain, on souhaite également une plus forte présence du secteur privé national de l’autre côté de la Méditerranée, a indiqué Nasser Bourita.
Piliers de stabilité en Méditerranée
La question de la coopération sécuritaire et de la gestion des migrations irrégulières a aussi été abordée. Depuis 2015, les deux pays multiplient les actions en ce sens, faisant d’eux « un binôme exemplaire », a souligné Nasser Bourita. Cette coopération a été renforcée par la signature d’un accord visant à lutter contre la criminalité dans toutes ses formes.
Objectif : « faire du Maroc et de l’Espagne deux acteurs clés de la stabilité méditerranéenne occidentale », poursuit le chef de la diplomatie marocaine. Nasser Bourita n’a pas manqué de mentionner les 160 réseaux de migration clandestine démantelés grâce à la coopération entre les deux pays.
S’il évoque des agissements « responsables » du Maroc et de l’Espagne, le ministre marocain a pointé sans les nommer certains pays européens. Il s’est ainsi insurgé contre des pays agissant « par égoïsme national et unilatéralisme ». Nasser Bourita a également dénoncé des décisions « prises ailleurs sans que les deux pays (le Maroc et l’Espagne, NDLR) ne soient consultés ».
Nasser Bourita en a néanmoins profité pour insister sur le bilan marocain en matière de migration. En 2018, le Royaume a avorté des opérations de migrations clandestines impliquant 90.000 personnes. « Sur les deux premiers mois de 2019, on en est déjà à 6.000 personnes. Le Maroc déploie 13.000 éléments des forces de l’ordre sur le littoral nord et est à l’aise sur cette question, car il agit avec responsabilité dans la lutte contre la migration clandestine », selon le chef de la diplomatie marocaine. Une ligne qu’il a régulièrement défendue, notamment lors d’adoption du Pacte de Marrakech du 10 et 11 décembre dernier. Il a précisé que le Maroc n’agit pas « en gendarme ou dans la volonté de plaire à quiconque ».
« Nous connaissons le rôle du Maroc comme pôle de stabilité dans la région, avance pour sa part Josep Borell. Lors de nos réunions avec les différents ministres des Affaires étrangères européens, c’est un point de vue qui est régulièrement partagé ». Le ministre espagnol a également rappelé que « l’Espagne était prête à soutenir la relance de la relation spéciale et singulière du Maroc avec l’Union européenne ».
Le parlement européen vient en effet de valider coup sur coup de nouveaux accords agricole et de pêche avec le Royaume chérifien. Une manière pour Nasser Bourita d’écarter la question spécifique au Sahara, rappelant la ratification des accords par « 27 États membres (une abstention) et le soutien d’une majorité de députés européens » comme preuve de la légalité internationale des accords. Interrogé sur le Sahara, Josep Borell, lui, a insisté sur le fait que la position espagnole n’a « pas changé » et qu’elle prône la « constance » dans le soutien des efforts du secrétaire général pour aboutir à une solution politique.
Conviction et vision
Dernier axe de coopération « et pas le moins important » d’après Borell, les échanges culturels. Le ministre espagnol a évoqué la rencontre de Felipe VI et Letizia avec des intellectuels, artistes et écrivains marocains « qu’on pourrait appeler hispanistes ». Un lien culturel, que les deux pays souhaitent renforcer avec la tenue, en 2020, d’expositions marocaines en Espagne « afin de mieux vous connaître », sourit Borell. Ainsi, une exposition conjointe des arts islamiques issus des collections royales du Maroc est prévue au Palais Royal de Madrid. Se tiendra également une autre exposition conjointe au musée archéologique de Madrid.
Le partenariat entre le Maroc et l’Espagne « n’est pas seulement dicté par le voisinage », il exprime un « choix stratégique réfléchi, basé sur une conviction et une vision », a insisté Nasser Bourita. Il a également souligné lors de la conférence que la question de l’Afrique du Nord et du continent dans sa globalité a été abordée lors de l’entrevue entre les deux rois. Mohammed VI et Felipe VI se sont rencontrés officiellement pour la deuxième fois en tant que chefs d’État. Leur première rencontre dans ce contexte a eu lieu quelques mois après l’intronisation de Felipe VI, en 2014.