L'association Racines soutenue par Noam Chomsky, Mathieu Kassovitz et Leila Slimani

Une campagne de soutien à l’association Racines, dissoute en décembre dernier sur une décision de justice, a été mise en ligne sur les réseaux sociaux. Une pétition suivra, signée par près de 200 personnes dont des personnalités internationales.

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La dissolution n’est pas la solution, la culture reste la solution ». C’est la devise de la campagne de soutien lancée le 23 janvier sur Facebook, pour dénoncer la dissolution de l’association Racines, prononcée le 26 décembre dernier par le tribunal civil de première instance de Casablanca. Une décision qui fait suite au tournage de l’émission « 1 dîner, 2 cons » dans ses locaux. « Cette décision judiciaire agit comme une épée de Damoclès sur la liberté associative au Maroc, mettant en évidence les contradictions entre le discours dominant et la réalité du terrain. Elle risque encore plus d’amplifier les clivages au sein de la société marocaine, là où le besoin urgent est celui de se concentrer sur l’émancipation des citoyens, les services publics, la reddition des comptes, la lutte contre les radicalismes », peut-on lire sur la page « Solidaires avec Racines ».

On peut également y voir des portraits, réalisés entre autres, par le photographe Fayssal Zaoui, de personnes portant des pancartes avec l’inscription « Je soutiens Racines » écrite plusieurs langues.

Sofiane Benkhassala, Casablanca (Maroc) #JeSoutiensRacines #LaCultureResteLaSolution سفيان بنخصالة، الدار البيضاء (المغرب) #أتضامن_مع_جذور #تبقى_الثقافة_هي_الحلCrédit photo : Fayssal Zaoui

Publiée par ‎Solidaires avec Racines – In solidarity with Racines – متضامنون مع جذور‎ sur Mercredi 23 janvier 2019

Hanna Derben, Hannover (Allemagne)#ISupportRacines #CultureRemainsTheSolution #JeSoutiensRacines…

Publiée par ‎Solidaires avec Racines – In solidarity with Racines – متضامنون مع جذور‎ sur Mercredi 23 janvier 2019

Amal Khizioua, Rabat (Maroc)#JeSoutiensRacines #LaCultureResteLaSolution #ISupportRacines #CultureRemainsTheSolution #أتضامن_مع_جذور #تبقى_الثقافة_هي_الحل

Publiée par ‎Solidaires avec Racines – In solidarity with Racines – متضامنون مع جذور‎ sur Jeudi 24 janvier 2019

Cassandra Balalau, Cracovie (Pologne)#JeSoutiensRacines #LaCultureResteLaSolution #ISupportRacines #CultureRemainsTheSolution #أتضامن_مع_جذور #تبقى_الثقافة_هي_الحل

Publiée par ‎Solidaires avec Racines – In solidarity with Racines – متضامنون مع جذور‎ sur Jeudi 24 janvier 2019

« Nous avons reçu pas de mal de témoignages de soutien et de photos de la part de nos amis, mais aussi de la part d’associations en Europe, en Afrique et ailleurs », nous confie Aadel Essaadani, co-fondateur de l’association née en 2010. « Au total, nous avons 200 photos réalisées entre autres, par Fayssal Zaoui sur son initiative personnelle. Comme il a un studio, il a décidé de l’ouvrir à ceux qui veulent venir se prendre en photo pour exprimer leur soutien à Racines », poursuit l’acteur associatif.

Plusieurs personnes ont également changé leurs photos de profil sur Facebook, avec l’outil Picture Frame, pour signifier leur soutien à l’association. Mais ce n’est pas tout.

Une pétition en cours

Un appel de soutien, lancé par le journaliste et chercheur en sociologie politique Mohamed Sammouni et l’ancien secrétaire général de l’association ATTAC Youssef Mezzi, a déjà récolté plus de 200 signatures. Parmi les signataires, on retrouve de « jolis noms » comme l’intellectuel américain Noam Chomsky, l’acteur et réalisateur français Mathieu Kassovitz ou encore les écrivains marocains Leila Slimani et Fouad Laroui. L’appel n’a pas encore été rendu public. « Cet appel va se transformer en pétition que nous allons rendre public la semaine prochaine sur la page de soutien », explique Aadel Essaadani.

« Il s’agit de liberté d’expression et d’association. Beaucoup ont donc voulu s’associer à nous. Cela va au-delà de Racines. Peut-être qu’il y aura un avant et un après. Si on perd cette bataille, on fera un grand pas en arrière », poursuit-il.

La semaine dernière déjà, plusieurs ONG nationales et internationales ont condamné la décision de dissolution de l’association marocaine.

« Les autorités marocaines devraient renoncer immédiatement à dissoudre l’association culturelle Racines à cause d’un talk-show critique qu’elle a hébergé, ont déclaré aujourd’hui Human Rights Watch et Amnesty International. Racines a été ciblée parce qu’un épisode de l’émission « 1 Dîner 2 Cons » avait été enregistré dans ses locaux à Casablanca, le 5 août 2018. Ahmed Benchemsi, de Human Rights Watch, était l’un des six participants invités à commenter l’actualité marocaine, lors de cet épisode qui a été posté sur YouTube le 24 août. Pendant l’émission, des invités ont critiqué les discours et la politique du roi Mohammed VI, dans un contexte d’intensification de la répression policière des manifestations de rue. L’épisode a réalisé plus d’un demi-million de vues », rappellent Amnesty International et Human Rights Watch dans un communiqué conjoint, diffusé le 18 janvier dernier.

« Pas question de mourir »

« La décision de dissoudre Racines est un mauvais coup, manifestement destiné à intimider les critiques et les réduire au silence. Personne ne devrait être puni pour avoir exprimé ses opinions pacifiquement ou critiqué les institutions. Si les autorités marocaines prennent au sérieux leurs engagements constitutionnels et internationaux à garantir la liberté d’expression et d’association, elles devraient renoncer immédiatement à fermer Racines », a déclaré Heba Morayef, directrice Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

De son côté, l’association Racines ne compte pas baisser les bras. « Nous sommes une équipe très soudée. Aujourd’hui, l’appel est suspensif. Nous en avons reçu la notification avant-hier. Nous allons voir notre avocat lundi pour déposer mardi l’appel », nous fait savoir Aadel Essaadani.

En attendant, « nous poursuivons nos activités puisque la loi nous y autorise. Il n’est pas question de mourir. Nous continuons nos actions. Je crois qu’on est bons dans l’adversité. Nous faisons de la résistance. Sinon, nous ne pourrons même plus ouvrir nos gueules, notre métier repose sur ça. C’est comme ça », conclut l’acteur associatif.