Agence de développement digital : Un budget en hausse, pour quoi faire?

Le second conseil d'administration de l'Agence de développement digital (ADD) a été présidé par le chef du gouvernement le vendredi 18 janvier. Quel est le rôle de cette nouvelle institution aux 16 projets ambitieux et au budget dopé?

Par

L'agence de développement digital ambitionne de mettre en place de nombreux projets pour assurer la transition numérique au Maroc Crédit photo : DR

Le conseil d’administration de l’Agence de développement digital (ADD) du 18 janvier, présidé par Saad Eddine El Othmani, a été une opportunité de passer en revue les différents projets et réalisations de cette institution. Elle a été créée en décembre 2017 comme «organe d’exécution de la stratégie du gouvernement dans l’application de la stratégie Maroc Digital» explique sa directrice par intérim, Khouloud Abejja.

Alors que dans son discours du Trône de 2018 Mohammed VI appelait à tirer profit des technologies pour accélérer la croissance et atteindre les objectifs de développement socioéconomique, l’ADD est précisément censée « mettre en oeuvre la stratégie nationale dans le développement des technologies numériques et leur implémentation dans les administrations publiques, les entreprises et auprès des citoyens ».

La première année d’existence de l’ADD a été consacrée à la mise en place de la gouvernance. « Depuis le lancement, nous avons mis en place tout le cadre réglementaire et procédurier d’un établissement public durant le premier semestre 2018. Il s’agit de l’ensemble des textes constitutifs, les règlements, le budget, etc. Le tout validé avec le ministère de l’Economie et des Finances. Par la suite, nous avons commencé les recrutements et la définition des partenariats avec les parties prenantes des domaines publics – les ministères et institutions de formation, CGEM, APEBI – et privés, notamment les différentes fédérations sectorielles, l’OCP à travers l’université Mohammed VI de Ben Guerir… », explique Khouloud Abejja.

En un an, l’ADD n’a néanmoins pas eu le temps de mettre en ligne son site Internet. Ce dernier est « en cours de développement» informe la directrice par intérim de l’agence.

L’ADD, exécutant de la stratégie numérique

Et pour la suite ? « La pièce maîtresse de la stratégie numérique dans le Royaume, c’est le gouvernement. Nous en sommes l’organe exécutif», déclare la responsable. « Différents ministères ont déjà opté pour une stratégie numérique, comme le ministère de l’Economie et des Finances, le ministère de l’Intérieur et celui de la Justice. Ils n’ont pas attendu l’ADD pour amorcer cette transition digitale », précise-t-elle. L’ADD jouera néanmoins le rôle d’expert en matière de digitalisation, et accompagnera les acteurs économiques vers une amélioration des processus numériques.

Elle a pour but de renforcer l’importance des nouvelles technologies dans les écosystèmes économiques du pays. Elle déléguera également la réalisation de projets aux start-ups et aux entreprises spécialisées dans le numérique. « L’ADD va travailler avec des partenariats publics/privés et restera un organe agile en interne, car les technologies évoluent rapidement. C’est la nature même du digital. Le secteur privé possède des talents qui comprennent ces exigences », poursuit la directrice.

La feuille de route de l’ADD

« Notre feuille de route a été élaborée par le ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Economie numérique. Elle sera transmise la semaine prochaine au chef du gouvernement », nous confie Khouloud Abejja. Saad Eddine El Othmani avait évoqué un délai de trois mois selon la presse. « Mais nous n’allons pas attendre trois mois », prévient la directrice de l’ADD. Le programme est en effet assez chargé, comme elle nous l’explique: pas moins de 16 projets doivent voir le jour.

à lire aussi

Ils traitent des principaux chantiers de la transition numérique au sein des administrations, des entreprises et pour les citoyens, nous expliquait la présidente de l’APEBI Saloua Karki-Belkziz l’an dernier. Le développement d’un Digital Lab et d’une Usine 4.0 doivent notamment permettre aux administrations et aux PME de tester leurs applications avant de les lancer. Les programmes Digital PME et Digital autoentrepreneurs offriront des dispositifs d’audit digital en ligne.

En outre, l’ADD ambitionne de développer une application pour permettre à la jeunesse d’avoir accès à différentes activités sportives et culturelles en temps réel via une carte interactive. La Digital City est un des autres projets de l’agence à destination des start-ups. Elle mettra à disposition les infrastructures nécessaires à leur activité et leur consolidation.

Un autre projet portera sur la mise en place d’un écosystème pour développer l’intelligence artificielle au Maroc. Il sera accompagné par l’entreprise américaine Eon Reality, leader dans la formation sur la réalité virtuelle et la réalité augmentée. D’autres partenaires se grefferont au projet comme l’OCP via l’université Mohammed VI de Ben Guerir. L’objectif sera de mettre en place un centre de formation en réalité virtuelle qui utilise le savoir-faire américain.

L’ADD ambitionne aussi de créer un hub et de mettre en place des mesures incitatives pour les start-ups. « Il s’agira d’un cadre réglementaire et juridique pour les start-ups. Aujourd’hui, il n’y a pas de cadre qui définit ce qu’est une start-up au Maroc. D’autre part, ce sera un appui dédié aux accélérateurs et aux incubateurs», explique Khouloud Abejja, précisant qu’il ne s’agira pas d’un « fonds » pour aider aux financements de ces start-ups.

Le financement de l’ADD

Pour financer tous ces projets, le budget de l’ADD est séparé en deux parties, pour son fonctionnement et pour ses investissements. « En 2018 le financement étatique pour le fonctionnement était de 25 millions de dirhams et pour 2019, il s’établit à 44 millions de dirhams », souligne la directrice de l’agence. Cet investissement qui a presque doublé en une année est synonyme d’une volonté d’accélérer l’intégration du numérique dans la société. La partie investissement, quant à elle, « est estimée à 235 millions de dirhams ».

« L’agence a reçu un financement étatique, comme les autres établissements publics. Compte tenu de ses interventions sur les sujets numériques, l’ADD a également reçu un financement du Fonds de service universel, alimenté par un pourcentage du chiffre d’affaires des opérateurs télécoms»,  poursuit Khouloud Abejja.

En visite au Maroc en novembre 2017 pour la 13e rencontre de haut niveau Maroc-France, le Premier ministre français Edouard Philippe déclarait à TelQuel que la France allait « soutenir le Maroc dans le développement du numérique et le financement de l’innovation et accompagner la mise en place de l’Agence du développement du digital ». Dans la foulée, Benjamin Grivaux, secrétaire d’État français auprès du ministre de l’Économie et des Finances, et le ministre de l’Economie numérique Moulay Hafid Elalamy signaient une « déclaration d’intention relative à la coopération de dans le domaine du numérique ». Néanmoins, à ce jour, l’ADD n’a pas reçu de financement français.