L’Agence de Développement Digital (ADD) est enfin lancée. C’était l’une des promesses du Plan Maroc Numérique 2020. Le 23 janvier, lors d’une rencontre à Casablanca, Othman El Ferdaous, secrétaire d’Etat chargé de l’Investissement, a dévoilé les premiers chantiers de cette structure.
Quelle est la feuille de route de cette toute nouvelle agence en charge du développement du digital du royaume ? Quels sont les projets qu’il faut réaliser en priorité ? Une formation des administrations est-elle prévue ? Pour répondre à ces questions, nous avons demandé son avis à Saloua Karkri-Belkeziz, présidente de l’APEBI qui travaillera en étroite collaboration avec l’ADD.
Quels sont les chantiers prévus par la nouvelle Agence de développement digital ?
Le conseil d’administration de l’ADD a annoncé le lancement de 14 chantiers. L’une des plus importantes est celle dite du Gouvernement digital. Il s’agit d’une plateforme d’échange des données entre les administrateurs. L’idée est de mettre en place une plateforme qui interconnecte les différentes données entre rassemblées par les administrations, comme par exemple la direction générale des impôts, la trésorerie générale… Le portail unique citoyen, dont le but est de centraliser toutes les démarches en ligne existantes, est le pendant du précédant. L’idée est de créer un site pratique pour le citoyen où il pourra réaliser à terme toutes ses démarches administratives au même endroit.
Les deux autres chantiers importants sont le Digital Lab, qui permettra aux administrations de tester leurs applications avant de les lancer et l’Usine 4.0, une usine digitale modèle pour les PME où ces dernières pourront, elles aussi, faire des tests avant d’investir dans tout développement digital et bénéficier d’un programme de financement de la transformation digitale. D’autre part, une structure similaire, appelée la Digital City, sera créée pour les start-up. La Digital City sera un endroit où ces-dernières pourront travailler au sein d’infrastructures adaptées à leurs activités.
Les programmes Digital PME et Digital auto-entrepreneur offriront des dispositifs complets d’audit digital en ligne. En ce qui concerne les jeunes, l’ADD souhaite développer une application pour que ces derniers puissent avoir accès, via une carte, à différentes activités sportives et culturelles. Enfin, deux programmes permettront l’encadrement de tous ces chantiers : l’adaptation du cadre réglementaire incluant les amendements nécessaires pour la mise en œuvre des projets digitaux et surtout la formation des administrations à ces nouvelles pratiques.
A quelle date leur lancement officiel est-il prévu ?
Difficile à dire pour l’instant. Tous ces chantiers commenceront au second semestre seulement. Il n’y aura surement rien de concret avant car nous devons dans un premier temps recruter les directeurs de projets. Pour l’instant, il y a déjà un conseil d’administration, mais c’est tout. Les recrutements se feront notamment auprès de la Direction de l’économie numérique du ministère, des membres de nos bureaux qui seront choisis lors de notre prochain conseil d’administration (comme des spécialistes des télécoms et d’autres ingénieurs) ainsi que des recrutement externes.
Après le mauvais bilan du Plan Maroc Numérique 2013, pensez-vous que la création de l’Agence permettra de relancer le Plan Maroc Numérique 2020 ?
Ce retard est normal au regard des circonstances. Il faut savoir que le Plan Maroc Numérique 2020 a été lancé en juillet 2016. Puis, nous avons passé six mois sans gouvernement donc tout était à l’arrêt. L’activité n’a en fait repris qu’en juin 2017. L’Agence de développement digital a été adoptée au mois d’août. C’est donc allé finalement assez vite. Et cette agence est indispensable pour réaliser concrètement les objectifs du Plan Maroc Numérique 2020. Elle permettra de centraliser tous les efforts que fournissent déjà différentes administrations mais indépendamment. Maintenant que l’Agence existe, ce qu’on veut aujourd’hui c’est accélérer le rythme.
Quelles sont selon vous les priorités parmi ces différents projets ?
Pour moi, la plateforme d’échange entre les administrations ainsi que l’adaptation du cadre réglementaire sont les deux chantiers les plus importants. Au Maroc, on peut certes déjà effectuer certaines démarches en ligne (comme payer les impôts ou la vignette) mais il n’y a pas de mise en commun des efforts de digitalisation. Ce qu’il faut aujourd’hui, et c’est prévu par l’Agence, c’est un portail centralisé où le citoyen pourra à la fois faire sa demande d’attestation scolaire ou encore réclamer son extrait de naissance. Chaque administration a son propre budget et prend ses propres décisions. Il manquait une structure pour fédérer l’ensemble horizontalement et c’est chose faite aujourd’hui.
Concernant le cadre réglementaire, ce chantier est capital. A ce jour, ce dernier n’est pas du tout adapté à une situation cloud. Une administration aujourd’hui ne peut même pas faire d’appels d’offre dans ce sens, car elle utilise les mêmes appels d’offre que les chantiers publics. Si on réalise ces deux chantiers avant la fin de l’année, je vous assure que le reste va suivre. C’est ce qu’on a observé en Côte d’Ivoire, par exemple, où le gouvernement a pu dématérialiser 80 procédures administratives en 6 mois.
Quels sont, parmi les différentes administrations, les meilleurs élèves en terme de développement digital ?
Les administrations les plus au point sont celles de l’Intérieur, la Défense pour tout ce qui est sécurité et les Finances. La plupart d’entre elles ont un système assez au point. Mais le développement digital d’une administration est possible partout, cela dépend juste de la formation du directeur à ces nouvelles pratiques et à sa volonté. Par exemple, depuis que le nouveau directeur général de la Direction général des impôts (DGI) est arrivé tout s’est accéléré. A partir de 2018, les personnes physiques seront par exemple obligées d’utiliser le site web de la DGI pour faire leurs déclarations. La facturation se fait elle-même par système informatique.
Même chose pour l’Intérieur qui travaille aujourd’hui sur l’idée de codification unique des citoyens avec le Registre Social Unifié (RSU). Plutôt que de se perdre avec les différentes cartes, le citoyen marocain sera associé à un code unique, très pratique dans cette dynamique de digitalisation. En effet, il facilitera les démarches pour les administrations pour enregistrer et consulter les informations sur la future plateforme d’échange des données entre les administrateurs et celles des citoyens lorsque le portail en ligne sera créé.
Qu’en est-il de la formation des administrations en vue de ces futurs chantiers ?
Aujourd’hui la digitalisation des administrations est acceptée par le personnel. Hier, par exemple, j’étais en réunion avec l’administration publique et l’Agence de développement digital dans le cadre d’un workshop organisé par l’OCDE sur le gouvernement digital. On s’est rendu compte que plusieurs choses étaient déjà en place comme le RSU par exemple dont on parlait tout à l’heure mais également que certaines directions ont déjà des compétences comme la DGI.
Mais c’est vrai qu’il va falloir faire un réel travail d’alphabétisation numérique et de formation en gestion de projet au sein des administrations. A l’APEBI, on insiste particulièrement sur ce futur chantier qui sera selon nous décisif. Nous avons les compétences pour assurer ce type de formations et nous serons aidés par d’autres consultants.
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