Depuis le début de l’année 2018, quelque 76.000 tentatives d’immigration clandestine ont été avortées et 174 réseaux criminels actifs dans ce domaine ont été démantelés, selon les chiffres avancés par le ministre délégué auprès du ministère de l’Intérieur, Noureddine Boutayeb, en réponse à une question orale à la chambre des conseillers .
Le ministre fait savoir que l’action de lutte contre l’immigration clandestine a permis de cerner 30 « tentatives violentes » d’émigration illégale vers les présides occupés de Sebta et Melillia. Rappelant que « depuis 2002, plus de 3.400 réseaux criminels ont été démantelés alors que plus de 2.000 retours volontaires ont été organisés pour des migrants en situation irrégulière ».
Pour Noureddine Boutayeb le Maroc adopte une « approche humanitaire » en matière de politique migratoire, en rappelant qu’elle a permis la régularisation administrative de 50.000 immigrés, « à un moment où le dossier migratoire demeure au cœur de l’actualité sur la scène internationale ». Cette « approche humanitaire » aurait aussi « permis le lancement d’une série de programmes sectoriels ayant autorisé les migrants et les membres de leurs familles de bénéficier de tous les services fournis aux citoyens marocains », affirme le ministre.
A contrario de cette « approche humanitaire », l’association GADEM de défense des migrants avait dénoncé en octobre, sur la base d’une enquête de terrain auprès de migrants arrêtés par les autorités marocaines, des conditions de détentions « inhumaines », des « violences verbales et physiques », et des « expulsions et refoulements en dehors de tout cadre légal ».
Par ailleurs, Noureddine Boutayeb a énuméré quelques facteurs qui favoriseraient l’immigration chez les jeunes, citant l’apparition d’embarcations rapides à moteur – les fameux go-fast – , la présence d’une flotte de secours, le difficile renvoi des mineurs établis en Europe « puisqu’ils bénéficient des lois européennes, en plus de l’accueil en Europe de plus de deux millions de demandeurs d’asile suite à la vague de migration dans le Vieux-continent ».
La question de la migration était d’ailleurs au menu de la visite du président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez au Maroc le 19 novembre. « Ce que le gouvernement espagnol pense, c’est que nous devons renforcer la coopération et le dialogue avec les pays d’origine (des migrants) et lutter contre les mafias. C’est une responsabilité commune. Le Maroc souffre également de flux migratoires subsahariens et nous souhaitons les soutenir. C’est pourquoi nous avons demandé à l’UE un meilleur engagement et davantage d’aide pour l’Afrique subsaharienne et davantage de soutien et de reconnaissance de la part de l’Europe pour la coopération avec un pays frère comme le Maroc », a-t-il déclaré au quotidien espagnol ABC, après sa rencontre avec le roi Mohammed VI et le chef du gouvernement Saad Eddine El Othmani.
« Alors que la situation devient urgente, Bruxelles prépare une réponse imminente », rapportait El Pais en octobre, rappelant que « malgré les chiffres modestes, l’Espagne est devenue le principal point d’entrées irrégulières en Méditerranée », avec 42.000 arrivées jusqu’à présent cette année, « soit le double du nombre enregistré par la route migratoire libyenne qui s’achève en Italie ».
L’année dernière, les autorités marocaines ont intercepté 65.000 personnes qui tentaient de quitter le pays, soit plus du double de l’année précédente. « Et jusqu’à présent, en 2018, 80 réseaux de trafiquants ont été démantelés, selon les informations fournies par les autorités de Rabat aux Espagnols », rapporte El Pais.
Si le Maroc est redevenue une voie de passage vers l’Europe, cette accélération du flux migratoire du Maroc vers l’Espagne a poussé cette dernière à soumettre une requête sur la table de l’Union européenne (UE) à savoir, « alimenter davantage le fonds destiné au Maroc pour contenir la migration », relève El Pais toujours. Une requête qui veut que Bruxelles « accorde un décaissement substantiel – et surtout rapide – à Rabat », afin de contenir les flux migratoires. Le cout de la surveillance du littoral nord du Maroc est estimé à 200 millions d’euros annuels.
En juillet dernier, la Commission européenne a approuvé trois nouveaux programmes relatifs à la migration en Afrique du Nord, pour un montant total supérieur à 90,5 millions d’euros, dont 55 millions d’euros devaient en effet être alloués au programme de gestion des frontières du Maghreb afin de coopérer avec le Maroc et la Tunisie pour « sauver des vies humaines en mer, améliorer la gestion des frontières maritimes et lutter contre les passeurs opérant dans la région ». Aussi, l’UE compte renforcer avec 6,5 millions d’euros l’appui de la stratégie nationale du Maroc en matière de migration, adoptée en 2014.