Jouahri: "Le social ne doit pas être opposé aux équilibres macroéconomiques"

Le Conseil de Bank Al-Maghrib a tenu le  25 septembre sa troisième réunion trimestrielle de l'année 2018. Au programme: l'analyse de la conjoncture macroéconomique globale, et plusieurs annonces du gouverneur de la Banque centrale.

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Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib. Crédit: Rachid Tniouni / TelQuel

Le contexte actuel de guerre commerciale à l’échelle mondiale, les comptes nationaux et extérieurs, le marché du travail ont été passés au crible par Bank Al-Maghrib (BAM). D’après l’analyse de l’évolution récente de la conjoncture économique et les projections macroéconomiques jusqu’à fin 2019, le Conseil de la Banque centrale, réuni ce mardi, a jugé que «le niveau actuel du taux directeur de 2,25%» restait «approprié». Ce taux directeur n’a pas évolué depuis 2016.

Le Conseil note également une «hausse sensible de l’inflation au cours des six premiers mois de l’année 2018», alors qu’elle avait été maintenue à des «niveaux faibles» en 2017. Elle est ainsi passée de 0,7% en 2017 à 2,1% en juillet 2018. Une évolution qui doit beaucoup au renchérissement des produits alimentaires à prix volatils et des produits réglementés. Le taux d’inflation devrait cependant «connaitre une décélération» en raison d’une «dissipation des chocs» qui engendrerait un retour à un taux de 1,2%.

Année tiède

Les «comptes nationaux au premier trimestre 2018 font ressortir un taux de croissance en ralentissement, passant de 3,5% à 3,2%», souligne le Conseil de BAM. Ce ralentissement s’explique par «l’impact de la décélération de 14,8% à 2,5% de la progression de la valeur ajoutée agricole», atténuée par «l’amélioration du rythme des activités non agricoles de 2% à 3,4%».

Bank Al-Maghrib prévoit cependant une hausse du rythme de croissance, qui devrait atteindre 3,5% en 2018, et projette déjà un taux de croissance de 3,1% pour l’année 2019.

Le marché du travail, quant à lui, enregistre des résultats favorables au deuxième semestre avec «117.000 postes créés, dont 53.000 dans les services». Au deuxième trimestre 2018, 117.000 postes ont été créés, dont 53.000 dans les services. Au cours de la même période, 97.000 nouveaux demandeurs d’emploi ont été recensés, ce qui a impacté négativement le taux d’activité. Ce dernier a «poursuivi sa baisse», passant de 47,3% à 47%.

«On observe une dynamique au niveau des comptes extérieurs», relève Abdellatif Jouahri, wali de la banque centrale. La valeur des exportations a effectivement augmenté de 10,2%, portée par le secteur automobile ainsi que la hausse des prix du phosphate. Les importations ont aussi augmenté de 10,2%, dopées par les acquisitions de biens d’équipement et la hausse de la facture énergétique.

Selon BAM, la performance des exportations ne suffira pas à endiguer le déficit commercial qui va se creuser un peu plus. Il devrait passer de 3,6% du PIB en 2017 à 4% du PIB en 2018.

Au niveau des finances publiques, «les données arrêtées à fin août font ressortir un déficit budgétaire de 27,8 milliards de dirhams» soit un «creusement de 1,9 milliard par rapport à la même période en 2017». Les dépenses globales se sont alourdies de 2,2%.

Emission de sukuks pour le 5 octobre

Plusieurs annonces ont été faites lors de la réunion du Conseil de BAM. Ainsi, la première émission souveraine des sukuks est prévue pour le 5 octobre prochain. Comme annoncé précédemment, elle portera sur un milliard de dirhams. «Il s’agira d’une émission interne, de type Ijara», précise Abdellatif Jouahri. «Nous sommes en phase de finalisation avant le lancement de l’assurance Takaful. Nous allons aussi bientôt terminer le package des produits de finance participative», a encore promis le wali de la BAM.

L’encours des crédits islamiques atteignait, fin juin, 2,6 milliards de dirhams. Un montant divisé entre la Mourabaha immobilière (2,4 milliards) et la Mourabaha automobile (200 millions).

Autre annonce, le passage «en phase de test» de l’interopérabilité des moyens de paiement. «Certaines banques sont prêtes, et on attaquera avec elles, on n’attendra pas tout le monde», déclare le wali de BAM. L’idée: faire reculer progressivement la culture du cash au profit de la monétique. Une évolution qui devrait néanmoins susciter quelques remous, car il «faudra que les gens s’habituent», avoue Jouahri.

Le social à l’ordre du jour

Questionné par la presse sur l’importance de l’investissement sur la dimension sociale, le gouverneur de Bank Al-Maghrib répond : «J’ai entendu certains parlementaires parler d’augmentation massive des investissements, mais de quelle façon ?  Nous ne sommes pas des technocrates isolés dans nos bureauxle social nous importe. Le social ne doit surtout pas être opposé aux équilibres macro-économiques . Le respect de ces équilibres nous épargnera de futurs sacrifices, qui seront d’abord sociaux».

S’il affirme qu’il n’y a pas de «méthode miracle», Abdellatif Jouahri insiste sur l’importance «de prioriser». Lorsque «les moyens sont limités», il est primordial «de rationaliser les dépenses», explique-t-il. Le gouverneur de la Banque centrale affirme qu’il est essentiel «d’avoir un suivi des dépenses», «de relever les dysfonctionnements et d’y remédier», en suivant les «règles de bonne gouvernance, tout simplement».

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