Un changement total. A l’occasion de la 19e célébration de la fête du trône, le roi Mohammed VI a prononcé, le 29 juillet, un discours aux antipodes de celui lu un an plus tôt. A cette occasion, le souverain avait sévèrement tancé la classe politique, accusée de « renonciation« . Cette fois-ci c’est un roi « fier » des récentes évolutions qui traversent le Royaume et résolument tourné vers l’avenir qui s’est adressé à la nation. Retour sur les points saillants d’un discours du trône aux allures de programme de développement économique et social.
Un appel à l’unité
Témoignage de l’apaisement de Mohammed VI : son message adressé à la classe politique. Vilipendés un an plus tôt, les partis politiques « s’efforcent » désormais « de s’acquitter au mieux de leur tâche« , a avancé le roi dans son discours. La classe politique du Royaume se voit également conseiller par le souverain qui les invite à « renouveler leurs méthodes de travail et rénover leurs modes de fonctionnement ». Un renouveau qui pourrait être incarné dans l’intégration de « nouvelles élites » et de « jeunes » dans l’action politique suggère Mohammed VI.
Ce dernier rappelle toutefois qu’il est attendu « des différentes instances politiques et partisanes qu’elles se montrent réceptives aux doléances des citoyens, qu’elles interagissent sans délai avec les événements et les évolutions de la société ». Une référence au récent mouvement de boycott qui a placé le citoyen marocain au cœur de l’action politique. La place de celui-ci, ainsi que son rôle dans la politique du Royaume, sont largement évoqués dans le discours royal, et, ce notamment à travers le prisme du lien entre l’institution monarchique et la fidélité mutuelle représentant l’ « unité » nationale.
Une unité qui, selon Mohammed VI, a permis au Maroc de surmonter « les difficultés rencontrées » face aux « négativistes, aux nihilistes et autres marchands d’illusions » ayant usé « du prétexte de certains dysfonctionnements pour attenter à la sécurité et à la stabilité du Maroc ou pour déprécier ses acquis et ses réalisations ». Des mots prononcés depuis Al Hoceima près d’un mois après la condamnation de 53 militants du Hirak, accusés notamment d’ «atteinte à la sûreté de l’Etat».
Réponse aux revendications sociales
Alors que l’essentiel des revendications du mouvement de contestation du Rif était à caractère social, le souverain a également dressé les grandes lignes d’un vaste chantier de réformes sociales destiné à l’ensemble du territoire national. S’il se félicite des « réalisations accomplies » durant les deux décennies de son règne, Mohammed VI reconnaît néanmoins « que quelque chose continue à nous faire défaut en matière sociale », tout en rappelant que c’est ce qu’il l’a conduit à appeler au renouvellement du modèle de développement national.
Pour remédier à ce « déficit social », le roi pointe d’abord du doigt l’éparpillement des programmes de soutien et de protection sociale entre les différents ministères et d’autres départements publics. Et de lancer un appel au gouvernement et à l’ « ensemble des acteurs concernés » pour réformer de manière « globale » et « profonde« , les programmes et les politiques d’appui de protection sociale.
Dans le cadre de cette restructuration, le souverain suggère des pistes de réformes. La première : la mise en place du Registre social unique (RSU). Le RSU « fera office de base de données complète qui permettra de regrouper les données économiques et sociales des citoyens et des familles« , avait affirmé au mois de février Saad Eddine El Othmani pour définir ce projet devant permettre d’encadrer la distribution des aides directes et d’enclencher la décompensation des matières premières. En janvier, le ministre des Affaires générales, Lahcen Daoudi, affirmait que ce projet devrait être prêt à l’horizon 2020.
Sans donner plus de détails, Mohammed VI préconise de donner « une impulsion vigoureuse » aux programmes d’appui à la scolarisation, parmi lesquels le programme Tayssir d’aide financière à la scolarisation. Une démarche ayant pour but « d’alléger les charges supportées par les familles« . Cette « impulsion » pourrait également permettre au soutien de la généralisation du préscolaire que Mohammed VI a récemment érigé au « rang de priorité pour l’Etat et les familles« .
Dans le cadre de ces réformes sociales, le souverain appelle également l’Initiative de développement à se recentrer sur « le développement du capital humain, la promotion de la condition des générations montantes, l’appui aux catégories en situation difficile ». Cela tout en initiant « une nouvelle génération d’initiatives génératrices de revenus et d’emplois » dans le cadre du lancement de sa troisième phase. Le RAMED, dont le ciblage avait été récemment critiqué par l’Observatoire national du développement humain (ONDH), devra quant à lui redresser les anomalies qui entachent l’exécution du Programme de couverture médicale.
L’économie comme moteur social
Si Mohammed VI suggère plusieurs pistes de réformes à caractère social, il estime toutefois que « la forme suprême de protection sociale est celle qui passe par la création d’emplois productifs« , et le roi fournit également des pistes pour, notamment, permettre d’améliorer l’investissement. Pour se faire, le souverain évoque trois chantiers majeurs pour lesquels, témoignage de leur importance, il fixe des deadlines.
Le premier : celui de la Charte de déconcentration administrative, qu’il avait déjà évoquée lors de l’ouverture de la législature en octobre dernier et qui est censée aller « de pair avec le projet de la régionalisation avancée ». Le texte promis par le chef du gouvernement, avant la fin de l’année 2017, n’a toujours pas été adopté et doit notamment permettre de définir les différents niveaux d’intervention de chacune des administrations au niveau régional dans le but d’améliorer la gouvernance au niveau local. Celle-ci devra être adoptée avant la fin du mois d’octobre prochain, selon le souverain.
Mohammed VI suggère également une accélération de la réforme des Centres régionaux d’investissement qui devra notamment permettre le regroupement des commissions concernées par l’investissement en une Commission régionale unifiée afin de « mettre un terme aux blocages et aux prétextes invoqués par certains départements ministériels ».
Dans ce sens, le roi prône l’adoption de textes juridiques fixant un délai d’un mois à certaines administrations pour répondre aux demandes qui leur sont adressées dans le domaine de l’investissement. Une réforme qui a pour objectif de permettre un « regain du dynamisme économique [et le] renouvellement de la culture des affaires et une exploitation optimale des nombreux atouts offerts par le Maroc ». Cette piste de réforme pourra faire gagner des places au Royaume au classement Doing Business, où il se situe actuellement au 69e rang. D’autant plus que le souverain fait clairement référence aux « enjeux de la compétition internationale et, même parfois, de ceux des guerres économiques et commerciales ».
Autant de défis qui sont l’enjeu de tous puisque, comme Mohammed VI l’affirme : « C’est ensemble encore que nous saurons relever les défis nouveaux et concrétiser les aspirations qui nous tiennent à cœur. »
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