J’offre cette victoire à toutes les femmes de mon pays, à toute la jeunesse et à la Tunisie », a lancé avec émotion la nouvelle maire de la capitale tunisienne.
Souad Abderrahim, gérante d’une entreprise pharmaceutique et membre du bureau politique d’Ennahdha (parti islamiste) se définit comme indépendante. La nouvelle première dame de la ville, qui devra quitter son entreprise en vertu de la loi, devient la première « cheikh de la médina« , le titre masculin traditionnel donné au maire de la capitale, car il occupe une fonction particulière lors de certaines fêtes religieuses.
La femme politique a été élue par les nouveaux conseillers municipaux, avec 26 voix contre 22 pour son principal adversaire, Kamel Idir. Ce dernier est l’ancien responsable local sous le régime de Zine el Abidine Ben Ali et était la tête de liste du parti Nidaa Tounès, fondé par l’actuel président Béji Caïd Essebsi.
Souad Abderrahim a été élue lors d’un deuxième tour boycotté par certains élus de gauche et du centre, se refusant de voter pour l’un ou l’autre des deux partis hégémoniques, Ennahdha et Nidaa.
Parti d’inspiration islamiste et actuellement allié de Nidaa Tounès au niveau national, Ennahdha était arrivé en tête dans nombre de localités lors des municipales du 6 mai, les premières depuis la révolution de 2011. Dans la capitale, Ennahdha était arrivé en tête, mais sans majorité absolue, avec 21 sièges sur 60, lors d’un scrutin marqué par une forte abstention alimentée par les difficultés économiques persistantes et la défiance vis-à-vis des élites.
« Rendre belle Tunis »
Souad Abderrahim est une compagne de route de longue date du parti Ennahdha, mais le mouvement a été accusé durant la campagne de l’utiliser afin de moderniser son image.
Militante durant ses années universitaires, elle avait siégé au sein du bloc Ennahdha à l’Assemblée constituante de 2011 à 2014, où elle avait fait polémique pour des critiques envers les mères célibataires notamment, avant de disparaître du paysage politique, jusqu’aux municipales.
La nouvelle maire de Tunis rejette l’étiquette « d’islamiste« , à l’image du parti lui-même, qui s’est transformé mi-2016 en parti « civil à référent islamique« , actant une séparation entre politique et religieux. Il se définit désormais comme « musulman démocrate« .
« Nous avons choisi la transparence comme slogan« , a indiqué Souad Abderrahim, assurant vouloir travailler avec tous les autres partis. Sur les quatre principaux adjoints de la nouvelle maire élus mardi, deux sont issus de la liste Ennahdha, un de Nidaa et un est indépendant.
« Le premier dossier, ce sera de rendre belle Tunis« , a déclaré Mme Abderrahim à l’AFP. La capitale tunisienne est notamment confrontée à un problème de gestion des déchets, qui s’est empiré après 2011.
Ces élections marquent le début de la décentralisation, un projet crucial dans un pays où les municipalités étaient jusque-là peu autonomes, dépendantes d’une administration centrale souvent clientéliste. Depuis la révolution ayant chassé Ben Ali en 2011, elles étaient administrées par des délégations spéciales, à la gestion souvent défaillante.
Féminisation de la politique
Comme elle, de nombreuses femmes viennent d’accéder au pouvoir local à la faveur d’une loi très stricte sur la parité. Selon l’Instance indépendante électorale (Isie), 47% des élus sont des femmes, dont 573 sont en têtes de listes (29,5% du total).
Les conseils municipaux sont encore en train de se constituer, mais la proportion du nombre de femmes maires en Tunisie pourrait être relativement élevée, ont souligné des observateurs.
Selon l’ONG Al Bawsala, sur les 270 conseils municipaux investis le 3 juillet, 53 étaient présidés par des femmes – soit environ 20%, contre 16% de maires femmes en France selon l’association des maires de France.
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