Doigts en V, tête haute, Nasser Zafzafi s’avance d’un pas décidé vers la barre de la salle 7 de la Cour d’appel de Casablanca, où il comparaît pour la première fois devant le président de la Chambre criminelle, Ali Torchi.
Il est près de 16h30 lorsque le juge ouvre la séance, sous le bourdonnement bruyant des murmures d’un public nombreux et enthousiaste, composé des familles des détenus, de journalistes locaux et européens, d’activistes des droits de l’Homme, de militants de la cause amazighe, mais aussi de l’eurodéputée néerlandaise Kati Piri, qui avait fin 2017 défendu la candidature du leader du Hirak Nasser Zafzafi au Prix Sakharov pour la liberté de l’esprit, remis par le Parlement européen.
D’aucuns dans la salle ont relevé l’éloquence de Nasser Zafzafi qui a discouru pendant près de 2 heures sur l’Histoire du Rif, les raisons d’être du Hirak, l’importance de la figure d’Abdelkrim Khattabi, « les diverses exactions commises par l’Etat dans le Rif depuis 1958 ».
Le leader du Hirak dénonce « un procès politique, d’opinion, celui de la mémoire des Rifains, des discours royaux qui ont donné raison aux militants du Hirak qui ont réclamé une reddition des comptes des responsables et ont dénoncé l’échec du modèle de développement« .
Un discours introductif aux allures de plaidoirie
Malgré la gravité des accusations retenues contre lui – il est poursuivi, entre autres, pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat« , un crime passible de peine de mort selon les dispositions de l’article 201 du Code pénal -, Nasser Zafzafi ne manque pas d’humour.
Rappelé à l’ordre par le juge qui lui reproche de « divaguer et de discuter de généralités, loin des poursuites dont il fait l’objet« , il répond : « ce n’est pas dans mes habitudes d’être aussi long, mais j’aurais résumé mon propos si le procureur avait résumé les poursuites. Or, il m’a collé 2 crimes et 6 délits« . La salle éclate alors de rire, et un rictus se dessine alors sur le bout de lèvres de représentant du ministère public, Hakim El Ouardi.
Dans son discours introductif aux allures de plaidoirie, Nasser Zafzafi cite tour à tour le coran, le prophète, Mohammed V, Mohammed VI et même Sigmund Freud et Baruch Spinoza. Ses longues tirades ponctuées d’interrogations rhétoriques dictent le tempo de l’audience. « Pourquoi le parquet n’ouvre-t-il pas d’enquête sur le sort des aides humanitaires reçues après le séisme de 2004 ? Ni sur l’argent du Maroc à Panama et en Suisse ? Qu’est-ce qui prouve que les soutiens du Hirak à l’étranger sont réellement séparatistes ? Y a-t-il eu un verdict prononcé contre eux ?« . A 18h30, le juge ordonne une pause et lève la séance. A l’heure de l’écriture de ces lignes, l’audience est toujours en cours.
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