À quand remonte le premier coup de fil passé à partir du Maroc? Connaissez-vous le « Rekkas », dont s’est inspiré le bipeur, ancêtre du téléphone portable? L’histoire des télécoms marocaines, longue de quelque 2 siècles, est fascinante.
Le conservateur du musée Maroc Telecom de Rabat, Ech Cherki Dahmali, évoque avec nous les grands moments de cette histoire, faite d’anecdotes sur les taxiphones ou encore la passion de Moulay Abdelaziz pour les nouvelles technologies.
Telquel.ma : Avant l’introduction du téléphone au Maroc, quel était le moyen de communication ?
Ech Cherki Dahmali : Avant il y avait des câbles télégraphiques. Le Maroc – Tanger en particulier – était lié à l’Europe par des câbles télégraphiques sous-marins. Les premières liaisons datent des années 1800. On introduira ensuite la télégraphie sans fil, c’est-à-dire, avec des ondes, en 1907. La première communication de ce genre a été faite au Maroc, entre Casablanca et Paris.
Où a été installée la première ligne téléphonique du Maroc ?
La première ligne téléphonique au Maroc a été installée dans la ville de Tanger en 1883, sept ans après l’invention du téléphone en 1876. Nous avons quelques documents dans lesquels des hommes riches, marocains comme étrangers, font des rapports sur l’introduction du téléphone au Maroc.
Il était alors désigné par l’expression « silk » (fil, NDLR). D’après les textes historiques que nous conservons, l’entrepreneur espagnol Emilio Rotondo y Nicolau et ses amis, étaient les premiers à posséder des téléphones au Maroc.
Quelle a été la première communication téléphonique opérée au Maroc ?
Malheureusement, nous n’avons pas des documents officiels. Nous avons néanmoins une copie des premiers abonnés au téléphone dans la ville de Tanger que nous exposons également.
Au tout début, il y avait le Rakkas (le messager, NDLR), qui délivrait les informations aux gens, soit en les annonçant sur la place publique, ou alors en les délivrant de manière personnelle.Comment s’exerçait cette profession?
À l’époque, un bon Rakkass devait avoir une excellente condition physique. Il devait être très robuste, pas obèse. Il devait savoir nager, car il devait parfois transporter des courriers en période de pluie et de crues des rivières. Il devait être digne de confiance, respectant ainsi le devoir de confidentialité.
Le messager devait savoir également manier le bâton, car il pouvait affronter des animaux sauvages. Il faut noter qu’avant les années 1970, au Maroc il y avait des lions et des jaguars, surtout dans la région de l’Atlas. Sans parler des voleurs … Le Rakkas travaillait alors pour l’Office des postes, télégraphes et télécommunications (OPTT).
Avant la démocratisation du téléphone fixe, il y avait le taxiphone. Que pouvez-vous nous en dire?
Les premiers taxiphones n’étaient pas installés à l’extérieur des bâtiments, mais à l’intérieur du bureau de la Poste. Les personnes qui n’avaient pas de téléphone devaient se déplacer au bureau de la Poste et donnaient le numéro qu’elles voulaient appeler à l’agent.
C’est ce dernier qui composait le numéro et commence à appeler les gens. Les plus âgés se rappelleront des phrases de l’agent: « Tanger, cabine 7 », « Marrakech, cabine 8 « . En 1992 sont arrivés les opérateurs privés, qu’on appelait les téléboutiques, et qui risquent de disparaître bientôt.
En 1928, les télécommunications étaient gérées par « Poste du Makhzen ». Comment la situation a-t-elle évolué ?
Effectivement, la première institution officielle de ce domaine, c’était la Poste du Makhzen, sous le règne de Moulay Hassan Ier, en 1892. Puis, Moulay Abdelhafid a instauré Téléphone du Makhzen, en 1911.
La première institution publique regroupant tous les services était l’OPTT, sous le règne de Moulay Youssef en 1914. C’est lui-même qui a créé la radiodiffusion qui dépendait de cet office.
Après l’indépendance, cet office deviendra un ministère des Postes, Télégraphes et Télécoms. Au sein du ministère, on a créé l’Office national des postes et télécommunications en 1984.
En 1998, une loi va diviser le secteur et l’ouvrir aux investisseurs privés. Depuis, outre la Poste et les télécommunications qui seront divisées, l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) a vu le jour.
Le sultan Moulay Abdelaziz était réputé pour son penchant pour les nouvelles technologies…
Effectivement, Moulay Abdelaziz était très passionné par ce domaine. D’ailleurs, il était le premier photographe au Maroc, puisqu’il était le premier à avoir une caméra. Comme je vous le dis plus haut, c’est sous son règne qu’a été introduite la télégraphie sans fil.
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