De Gérone à Barcelone ou Figueras, des milliers de Catalans se sont massés devant les bureaux de vote pour participer au scrutin, interdit par la justice mais que l’exécutif catalan a assuré pouvoir organiser, lançant un défi sans précédent à l’Etat espagnol. La police nationale a commencé à saisir des urnes et des bulletins de vote à travers la région, a annoncé le ministère de l’Intérieur dès l’ouverture prévue des bureaux de vote, à 09H00 (7H00 GMT).
« Voici les premières urnes et bulletins saisis par la police à Barcelone. Les agents continuent leur déploiement en Catalogne », a affirmé le ministère, photo à l’appui, dans un tweet. Mais par endroits des citoyens ont quand même voté, selon des journalistes de l’AFP.
A Gérone, face à une foule très tendue, des policiers anti-émeutes sont entrés de force dans le bureau où devait se rendre le président indépendantiste de Catalogne, Carles Puigdemont. Celui-ci a contourné la mesure en allant voter dans un autre bureau de vote proche de Gérone, selon le gouvernement catalan. « Nous pouvons tenir un référendum d’autodétermination assorti de garanties comme nous nous y étions engagés », a déclaré pour sa part le porte-parole du gouvernement régional Jordi Turull. Il a affirmé que l’exécutif catalan disposait d’un « recensement universel » qui permettrait aux électeurs de voter dans n’importe quel bureau de la région.
Mais dans un bureau de vote de Figueras, une journaliste a constaté un blocage du système informatique. « En Catalogne nous pensons qu’il est essentiel de décider si nous voulons continuer à rester dans l’Etat espagnol », assurait à Barcelone Pau Valls, un étudiant en philosophie de 18 ans. Il avait décidé de camper dès la veille devant le collège Jaume Balmes, l’un des 2.300 bureaux mis en place par l’exécutif régional assure pour permettre aux 5,3 millions de Catalans de voter.
Les habitants de la région, où l’indépendantisme gagne du terrain depuis le début des années 2010, sont divisés presque à parts égales sur l’indépendance. Mais les Catalans souhaitent majoritairement, à plus de 70%, un référendum d’autodétermination légal.
Depuis le 6 septembre, date de la convocation du référendum par le pouvoir régional, ni les poursuites judiciaires ni les arrestations ou perquisitions n’ont dissuadé les indépendantistes de cette région où vivent 16% des habitants du pays d’organiser le scrutin interdit. Lors d’un entretien avec l’AFP samedi Carles Puigdemont a expliqué ressentir « une grande responsabilité ». « C’est un moment grave », a-t-il dit en confirmant qu’en cas de victoire du oui il y aurait des « décisions politiques » qui pourraient déboucher sur une déclaration d’indépendance entraînant une phase de « transition » où il négocierait le départ de la Catalogne.
Les conséquences d’une sécession de cette région, qui compte pour 19% du PIB du pays, grande comme la Belgique, sont incalculables, comme celles du Brexit déclenché lui aussi par un référendum, en juin 2016. Elles inquiètent beaucoup d’Espagnols qui sont pour la première fois descendus dans la rue par milliers samedi pour protester contre le référendum jugé non représentatif. « La Catalogne, c’est l’Espagne », lisait-on sur certaines des pancartes. Et dimanche la Une grave du quotidien El Pais assurait que la démocratie espagnole était « face à son plus grand défi » depuis la mort du dictateur Francisco Franco en 1975.
Les séparatistes affirment avoir déclenché une « révolution des sourires », et se mobilisent jour après jour avec des slogans positifs sur « l’amour de la démocratie » où armés d’oeillets rouges. Le gouvernement de Mariano Rajoy leur répond que ce type de consultation n’est pas reconnu par la Constitution.
Les séparatistes ont prévu d’organiser le vote dans toutes sortes d’endroits: établissements scolaires, couvent, centres de santé, maisons de retraites, musées. Des urnes en plastique blanc transparent ont été achemmiés tôt dimanche dans les bureaux, apportées à toute allure par des militants protégés par la foule.
Les autorités craignent l’arrivée de groupes d’extrême gauche ou d’extrême droite qui pourraient provoquer des troubles et Madrid a dépêché dans la région 10.000 policiers et gardes civils. Il y aura « une grande mobilisation », mais il ne s’agira en aucun cas d’un « référendum d’autodétermination en bonne et due forme assorti de garanties et ayant des conséquences légales », avait déclaré samedi le préfet Enric Millo. « Nous devons terminer ce processus comme nous l’avons commencé, pacifiquement », avait de son côté déclaré Carles Puigdemont à l’AFP.
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