Nadia Mensah-Acogny, la femme qui classe les 100 femmes africaines les plus influentes pour Forbes

En marge du Woman In Africa forum, Telquel.ma a rencontré Nadia Mensah-Acogny, la femme qui classe les 100 femmes les plus influentes d'Afrique pour Forbes. Comment les choisit-elle ? Quel est le but de ce classement ?

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Nadia Mensah-Acogny en plus d’être une brillante businesswoman, est une femme engagée. Son combat : « mettre en avant les femmes africaines leader« . Cofondatrice et directrice générale de Acosphere, société de conseil basée à Londres où elle délivre des formations aux entreprises à l’international et notamment en Afrique, cette polyglotte qui maîtrise 9 langues est sociologue, spécialiste des questions de développement et coopération, et experte en communication. Anciennement responsable de la communication de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest à Dakar, elle a également été consultante auprès de plusieurs organismes des Nations unies en France, en Grèce, en Syrie et au Kenya. Elle a enseigné la communication à l’Institut Supérieur du Management et se passionne pour les relations interculturelles et les questions liées au genre.

Pour Forbes, elle a instauré le classement annuel des 100 femmes africaines les plus influentes. Dans son classement 2017, figuraient notamment Ibukun Abiodun Awosika, présidente du Conseil d’Administration de First Bank of Nigeria depuis 2015, Divine Ndhlukula fondatrice et DG de Securico (compagnie de produits de sécurité,qui compte 4000 employées dont une majorité de femmes et certaines atteintes du VIH) et Mame Khary Diene, fondatrice et DG des laboratoires Bioessence (produits de beauté naturels).

Comment est né le classement Forbes des 100 femmes africaines ?

Ce classement était une idée de la direction de la rédaction de Forbes Afrique. Il n’y avait pas de classements de femmes et comme le sujet du genre me passionne, Forbes Afrique, pour qui j’écris des chroniques mensuelles, m’avait demandé il y a environ 5 ans si je voulais prendre en charge ce classement. Ils m’ont donné carte blanche pour définir mes critères et le type de classement que j’allais faire. Après réflexion, j’ai proposé de faire un classement de 100 femmes de tout le continent africain, et non pas juste d’une partie, en mélangeant toutes les zones linguistiques. C’est un classement qui n’est pas linéaire de 1 à 100, mais j’ai défini huit secteurs, qui sont notamment le milieu des affaires, des fonctions publiques (y compris activistes et philanthropes), médias, sports, arts.

A quoi sert ce classement ?

A donner chaque année un instantané de ce que font et sont les femmes africaines. L’objectif est de montrer que, connues ou inconnues, il y a des femmes en Afrique qui réalisent des choses extrêmement intéressantes et importantes, qui ont des responsabilités et changer le discours sur les femmes africaines. Personnellement, je ne m’identifie pas au discours misérabiliste sur la femme africaine. Il y a effectivement une majorité de femmes africaines qui vivent dans des conditions difficiles, mais on ne peut pas réduire le continent africain ni la femme africaine à cela. Il y a aussi des femmes qui réussissent et ne se reconnaissent nulle part parce qu’on n’en parle pas, parce qu’on ne les reconnaît pas et je trouvais que c’était une forme d’injustice. Pour moi, ce classement permet de leur donner de la visibilité et de montrer au reste du monde que nous existons et que nous contribuons. Par exemple, certaines femmes qui font de la recherche sur les nanotechnologies contribuent au développement mondial. Elles font des recherches qui sont très utiles en médecine, en agriculture, il y a beaucoup de choses auxquelles les femmes contribuent. Ensuite, le classement sert à donner des modèles à nos filles, parce que la fille africaine à qui on répète sans arrêt que la femme africaine est une pauvre femme qui souffre, qui est brimée, n’a accès à rien, que voulez-vous qu’elle ait comme ambition ? On ne peut pas continuer comme ça ni se permettre de donner uniquement à nos filles des modèles étrangers.

Comment vous y prenez-vous pour effectuer ce classement ?

J’ai créé et compilé une base de données depuis de nombreuses années et j’ai élargi cette base par des rencontres, des conversations avec d’autres femmes leaders. J’ai aussi des relais dans différents pays qui me font des remontées d’informations. Je croise des tas de données, d’informations et je décide seule. Si une candidate répond à tous les critères, j’applique ensuite le critère de l’éthique. Si quelqu’un n’a pas l’éthique que je souhaite, la personne peut sortir du classement sur cette base. Je prends ça comme une responsabilité personnelle. Par ailleurs, j’ai la chance de n’avoir aucune pression de la part de Forbes. Mon classement est publié tel quel.

C’est un classement dynamique, je n’ai pas souhaité avoir un classement où les femmes sont installées à vie. Chaque année, on le reprend, je regarde les biographies de chacune, l’évolution, les réalisations. Cette année, pour le classement 2017, un certain nombre de femmes sont sorties du classement non pas parce qu’elles ont démérité, mais parce que je me suis rendue compte qu’il y avait en haut du classement des femmes indélogeables. Le but du classement est bien de cibler les femmes influentes, ce ne sont pas les plus riches ni les plus puissantes, ce sont celles dont l’action a un impact sur la vie des Africaines, sur l’image de marque du continent.

Quelles sont les femmes du classement qui vous ont particulièrement marquée ou inspirée ?

Hawa Abdi m’a beaucoup marquée. Elle est médecin gynécologue somalienne et a créé un camp de réfugiés envers et contre tout dans un pays en guerre où elle recueille depuis plus de 20 ans des femmes et des enfants qu’elle soigne. Aujourd’hui, grâce à sa fondation, elle a 450 lits dans son hôpital, une école, un village. Cette femme a été kidnappée à plusieurs reprises et malgré tout elle continue de se battre. Ses filles, qui sont médecins aussi, l’ont rejoint. C’est une belle histoire de courage pour une femme dans un pays qui n’est pas facile.

Il y a également Angélique Kidjo, chanteuse béninoise, qui en plus d’être artiste, porte haut les couleurs de la femme africaine partout où elle va, et surtout se renouvelle.

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