Jacob Zuma, au pouvoir depuis 2009, est soupçonné de collusion avec une famille d’entrepreneurs controversés, les Gupta, qui ont décroché de juteux contrats publics. Faute d’avoir pu déstabiliser le président dans ce dossier brûlant, l’opposition, qui exige en vain son départ, s’en prend désormais à son fils, un proche collaborateur des frères Gupta.
Jeudi au Parlement, des députés ont chahuté le chef de l’Etat, surnommé « Baba ka Duduzane », « le père de Duduzane » en zoulou. « Etes-vous en train de tromper l’Afrique du Sud quand vous dites que vous n’avez pas aidé votre famille à décrocher des contrats publics ? », a lancé le chef de l’opposition, Mmusi Maimane. « Je n’ai jamais fait une telle chose », lui a répondu Jacob Zuma.
L’ascension fulgurante de son fils au sein de l’empire des Gupta, qui s’étend des mines aux médias, suscite pourtant bien des interrogations. A 22 ans, Duduzane Zuma débute comme stagiaire dans l’entreprise informatique Sahara Computers. Quatre ans plus tard, en 2008, il entre à son conseil d’administration. Il ne peut pourtant « se targuer d’aucune qualification évidente » pour le poste, note l’ONG sud-africaine de lutte contre la corruption Outa.
Sa nomination coïncide avec l’élection de son père à la tête du parti au pouvoir depuis 1994, le Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela. Quelques mois plus tard, Jacob Zuma devient président du pays. Rapidement, Duduzane Zuma détient de nombreuses parts dans l’empire Gupta et siège dans les conseils d’administration de plusieurs entreprises du groupe. Sous la pression de l’opinion publique, il est contraint de renoncer à ces postes l’an dernier.
Dans un rare entretien accordé à la BBC cette semaine, il s’est défendu de tout favoritisme. « Je ne suis pas né avec une cuillère en argent dans la bouche. J’ai dû travailler », y assure-t-il. Interrogé sur l’origine de son étroite collaboration avec les Gupta, il répond posément, en jouant les faux candides. « Je ne pense pas qu’ils voulaient quoi que ce soit de moi. Je pense qu’ils m’apprécient, tout comme je les apprécie aussi. Je pense être un gars sympathique ». Duduzane Zuma a accordé cet entretien depuis Dubaï, où il mène grand train bien que son nom défraie la chronique en Afrique du Sud depuis des mois.
En octobre, il a été cité dans un rapport explosif de la médiatrice de la République chargée du bon usage des deniers publics. Le document, qui décrit la collusion présumée entre le président Zuma et les Gupta, dénonce les nombreux exemples où les Gupta auraient obtenu des contrats publics via Duduzane. Il était présent au moment où les Gupta auraient proposé une importante somme d’argent à Mcebisi Jonas, alors vice-ministre des Finances. Duduzane Zuma a démenti le pot-de-vin à la BBC.
En mai, des milliers de courriels entre les Gupta et plusieurs ministres, notamment autour de l’attribution de marchés publics, ont fuité dans la presse locale. Ces échanges confidentiels, dont l’authenticité est contestée par les Gupta, suggèrent que les trois frères sont aux petits soins pour Duduzane Zuma.
En 2012, ils lui offrent un séjour à l’île Maurice avec sa petite amie. En 2015, ils financent son mariage en grande pompe. Et le logent dans un appartement de 1,2 million d’euros à Dubaï, dans la plus haute tour du monde, Burj Khalifa.
Quand en 2014 Duduzane percute avec sa Porsche un minibus à Johannesburg faisant un mort, son premier réflexe est d’appeler le plus jeune frère Gupta, Rajesh, selon ces courriels.
Duduzane Zuma « a amassé une vaste fortune et possède de multiples intérêts commerciaux dont nombre sont liés à la famille Gupta », affirme Outa. L’ONG a porté plainte en août contre le fils Zuma et les frères Gupta pour racket, extorsion et fraude.
« Je ne suis pas corrompu », a pourtant répété Duduzane Zuma à la BBC, qui lui demandait si l’idée de finir en prison lui « avait déjà traversé l’esprit ». « Là pour la première fois, ça vient de me traverser l’esprit. Et puis c’est parti », a-t-il lâché en riant.
(AFP)
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