Ça s’est passé en semaine, un mardi de mars, sournoisement, lors d’un match amical banal entre la France et l’Espagne. C’est ainsi que la Fifa (que Dieu la précipite dans les ténèbres) a instauré l’arbitrage vidéo. Sans débat, sans préparation, un peu à la marocaine. Zakaria Boualem considère qu’il s’agit là d’une infamie, rien de moins, et il va sans plus attendre vous expliquer pourquoi. Mais avant d’aller plus loin, il veut préciser deux ou trois choses. Pour commencer, le football n’est pas un sport. C’est un fait social total, l’émanation collective d’une société, l’expression d’une culture populaire locale et mondiale. Le foot, c’est un monde qui ouvre la porte à tous les comportements, y compris les félonies. Comme dans la vie, on peut tricher et gagner, on peut être glorieux dans la défaite, ou grotesque dans la victoire. Oui, comme dans la vie, voilà pourquoi c’est un spectacle fascinant. Car il est bien entendu que le score, le palmarès et les chiffres ne sont pas tout. Pour preuve : il existe dans le monde bien plus de supporters fiers de leurs équipes que de coupes distribuées. Et pour terminer cet avant-propos, il faut ajouter que la rareté du but autorise toutes les surprises, ce qui fait qu’il est toujours possible d’imaginer que le faible triomphe, et ce n’est pas un détail. C’est pour toutes ces raisons que Zakaria Boualem aime le foot. Maintenant, voici pourquoi l’arbitrage vidéo est une abomination.
1. L’arbitrage vidéo va tuer l’émotion. Imaginez le but de Chamakh contre l’Algérie ou celui de Bassir contre l’Écosse. Les bisous, les sauts, les cris, l’amour et la patrie enfin unis en un clin d’œil. Mais non, vous contenez tout cela, et au lieu de festoyer et de basculer dans l’hystérie collective, retardez un peu votre joie pour attendre la validation de l’arbitrage vidéo. Grotesque.
2. L’arbitrage vidéo ne va pas faire taire les polémiques. Vous le savez, la discussion infinie autour d’un penalty ou d’un hors-jeu est un des produits dérivés du match de foot. Ça peut durer des heures ou même des années. Et pourtant, ces débats sont menés par des téléspectateurs. Ils ont accès au ralenti, ils voient donc la même chose, et plusieurs fois de suite. Et pourtant, ils ne sont pas d’accord, c’est prodigieux ! Imaginez la caméra comme un outil au service d’une sorte de vérité fantasmée et naïve. Inutile, donc.
3. L’arbitrage vidéo ne respecte pas l’arbitrage. C’est écrit dans les lois du jeu : une main doit être intentionnelle pour être sifflée. Il s’agit bien d’arbitrage et non de jugement, il y a bien une différence. On ne cherche pas à savoir si une balle est out comme au tennis, mais si le défenseur a touché le ballon volontairement. Aucune caméra au monde ne peut filmer des intentions. Vous pouvez multiplier les ralentis jusqu’à l’infini, aucune vérité ne jaillira. C’est illusoire.
4. L’arbitrage vidéo ne respecte pas le football. Parmi les plus grands gestes de l’histoire, cette main de Maradona contre l’Angleterre en 1986, une fourberie en forme de revanche tiers-mondiste. Suivie dix minutes plus tard par un moment de grâce au cours duquel le génial nain efface l’intégralité de l’équipe adverse. Maradona, en dix minutes, bascule de voleur à génie et résume la dualité de l’homme. Avec la vidéo, ce moment n’aurait pas existé. Criminel.
5. L’arbitrage vidéo est une injustice. Qui place les caméras ? Par quel miracle assurera-t-on l’impartialité de la réalisation lors d’un obscur Mazembe/Real Bamako ? Et si l’on admet faire régner la justice grâce à ce gadget, au nom de quoi une injustice infligée au supporter de Bamako serait-elle moins grave si elle était infligée à un fan de Chelsea ?
Zakaria Boualem peut continuer cette liste jusqu’à demain soir, mais il n’en a pas la force. Le bougre se demande s’il n’est pas temps pour lui de prendre sa retraite de téléspectateur de football professionnel. Il ne se retrouve pas dans le football d’aujourd’hui, polarisé autour de l’insupportable dualité imposée Barça/Real. Il se pose des questions, parce que l’heure est grave. C’est tout et merci.