Il y a une semaine, l’Instance nationale d’évaluation, un organisme chargé d’analyser et d’apprécier les politiques menées dans le domaine de l’éducation, a réalisé un rapport sur le niveau des élèves, en première année du lycée. L’étude réalisée par cette instance, dirigée par l’universitaire Rahma Bourqia, a couvert les lycées publics et privés (à l’exception des missions étrangères) et visait à mesurer les connaissances scolaires des adolescents marocains. Les résultats sont alarmants et catastrophiques. En parcourant quelques chiffres de ce rapport, on est frappé de sidération et de dépit. Pour les élèves en filière littéraire, la moyenne en arabe est de 23/100 points, en français 39/100, en mathématiques 38/100. Leurs camarades en filière scientifique ne sont pas mieux lotis, avec des moyennes de 38/100 en français, 46/100 en arabe et 48/100 en maths. En d’autres mots, la majorité de nos jeunes, de 15 à 17 ans, ne maîtrisent pas les deux langues de l’éducation et ne savent pas réaliser des opérations mathématiques. Après plus de 10 ans passés sur les bancs d’une école, publique ou privée, un élève marocain demeure quasiment illettré, pour ne pas dire analphabète. Fermez le ban !
En termes d’efficacité et de rendement, si l’école marocaine était une entreprise, elle aurait été en faillite et mis la clé sous le paillasson depuis belle lurette. Sauf qu’il ne s’agit pas d’une entreprise ni de rentabilité économique, mais d’une institution fondamentale et essentielle. Cette catastrophe nationale, que tout le monde connaît par expérience ou par intuition, est annonciatrice de toutes les autres catastrophes. Tout ce que nous faisons ou construisons, nos projections dans l’avenir, nos stratégies économiques et politiques resteront des plans sur la comète et de jolis châteaux construits sur les sables mouvants de l’ignorance et de la précarité, qui finiront par tout engloutir. Nos élites peuvent élaborer les scénarios les plus complexes et brillants sur la modernisation du pays, la percée en Afrique, la démocratisation, etc., mais tout demeurera fragile, instable et sans fondements solides, car l’élément central qui portera cet édifice est absent ou peu prêt : l’individu marocain. Il ne s’agit pas d’un pessimisme décourageant, mais d’un constat désemparé mais lucide.
La faillite de l’éducation nationale est notre plus grand échec collectif. Il est le résultat combiné du cynisme politique, de l’incompétence, des intérêts idéologiques mis au-dessus de l’intérêt national, de la démission des familles, du compromis mou et lâche, et des docteurs Folamour qui ont transformé les élèves marocains en rats de laboratoire. Comme un programme, le philosophe américain John Dewey, dont les idées ont influencé toutes les conceptions modernes de l’éducation en Occident, écrivait il y a un siècle que “l’école devrait contribuer à améliorer les conditions sociales”. Or, au Maroc, l’école est devenue le plus grand marqueur des inégalités sociales, la machine implacable qui creuse les écarts entre les classes. Le fossé entre riches et pauvres devient abîme, et l’ascenseur social reste bloqué au rez-de-chaussée.