Zakaria Boualem est ému par la science

Par Réda Allali

Salut à vous, les amis. Nous avons passé une semaine glorieuse, il faut s’en féliciter. Zakaria Boualem, malgré toute sa mauvaise foi, est contraint de noter la bonne progression des travaux de construction du Maroc moderne, dont il va vous lister les avancées sans plus attendre.

Il y a eu tout d’abord cet exploit héroïque de nos autorités, qui sont parvenues à récupérer le squelette d’un dinosaure marin vieux de 66 millions d’années, découvert vers Khouribga et que des Italiens félons prévoyaient de vendre aux enchères à Paris. Il paraît que c’est interdit de sortir du territoire national des squelettes de dinosaures marins vieux de 66 millions d’années découverts à Khouribga. Il fallait donc intervenir pour faire cesser cette abomination, c’est fait, Alhamdoulillah. Zakaria Boualem ignorait que le Maroc existait à cette époque. Il a des doutes sur le concept de nationalité en général, et en particulier lorsqu’il faut l’appliquer à des dinosaures. Et il faut ajouter qu’il n’a pas la moindre idée du déroulement d’une opération qui consiste à sortir un dinosaure illégalement, mais il est prêt à féliciter les patriotes qui ont réussi à stopper cette forfaiture. Rendez-vous compte, on ne parle pas d’une évasion de devises, là, ou d’un simple appartement sur la Costa Del Sol, mais bien d’un dinosaure, et même d’un dinosaure khouribgui, ce n’est pas rien. Oublions cette affaire, il y a plus important. Non, il n’est pas question de la déclaration retentissante de Monsieur Jean-Baptiste Baribonekeza, président de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme du Burundi, qui s’enthousiasme pour l’expérience marocaine, comme l’a rapporté avec abnégation le Matin du Sahara, pas du tout.
Encore plus important, les amis.
Il faut sauter une ligne.
Respirez.

Zakaria Boualem est fier de vous annoncer qu’un juge de Tanger vient d’entrer dans l’histoire. Cet homme vient de rendre un verdict établissant la relation de filiation entre une fillette et son papa malgré l’absence de mariage avec la maman. Oui, vous avez bien lu. La science a établi qu’il était le père, et donc la justice a dit qu’il était le père, vous pouvez disposer, et merci. C’était très simple finalement, on se demande pourquoi on ne l’a pas fait plus tôt. Le malotru se voit donc condamné à verser 100 000 dirhams à la maman, il ne s’agit pas d’une pension, mais de dommages et intérêts (on regrette qu’il n’ait pas eu la main plus lourde, le juge). Jusque-là, on appliquait sans complexe le Code de la famille qui dispose avec clarté que “la filiation illégitime ne produit aucun des effets de la filiation parentale vis-à-vis du père”. Un article qui permettait aux hommes de fuir leurs responsabilités en toute décontraction et qui produisait des drames en quantité abondante et de bonne qualité. Oui, mais voilà, au-dessus du Code de la famille, il y a la Constitution, et aussi les conventions internationales que nous avons ratifiées, qui protègent les droits de l’enfant et l’égalité des sexes. Ce sont ces dernières qui priment, paraît-il, quand il y a une contradiction. On se demande aussi pourquoi personne ne nous a expliqué ça plus tôt.

Zakaria Boualem est ému. On va pouvoir court-circuiter sans scrupules tous nos textes débiles dès qu’ils sont en contradiction avec les conventions internationales, même avec celles qu’on aura signées par mégarde, juste pour ne pas passer pour des ploucs. Ce juge tangérois est un héros. Il vient de sauver des ténèbres des milliers d’enfants illégitimes, en même temps qu’il a ouvert la porte à une nouvelle interprétation de nos textes, c’est extraordinaire. Tellement extraordinaire qu’on a du mal à mesurer tout de suite l’impact tellurique de cette décision de justice sur notre quotidien. Il faut étudier cette affaire sans plus attendre. Voilà, Zakaria Boualem vous remercie pour votre attention, et vous souhaite un bon appétit.