Depuis des mois on nous présente la solution pour booster le tourisme un projet de centre d’animation dénommé « Agadir Land ». Ce qui est moins lisible, c’est l’autre face du projet : « Agadir Camp ».
Le projet qui a fait vibrer les cœurs de certains Gadiris est le centre d’animation. Les responsables locaux ont tous applaudis, ils se sont félicités de ce projet et personne n’a trouvé à redire sur le site.
J’ai gardé le silence, moi l’ancien maire, accusé d’être celui par qui venait tous les blocages de projets stratégiques pour la ville, sans que personne ne cite d’exemples concrets. Deux questions se posent : le choix du site et le contenu de ce projet.
Le choix de ce site est-il légal ?
Comment a-t-on pu autoriser ce site en dépit des documents d’urbanisme? En effet le SDAU (Schéma Directeur d’Aménagement Urbain) a été voté en 2015 par l’ensemble des communes constituant le grand Agadir. Cette étude, piloté par l’Agence Urbaine, a demandé plusieurs années avec une consultation permanente des élus locaux et des services extérieurs de l’Etat.
Ce document à l’instar des documents antérieurs précise que cette zone doit rester un espace naturel couvert par des arganiers, de différentes espèces d’Euphorbes et de plantes aromatiques. Ce poumon de la ville a été rasé dans un silence assourdissant.
Cette zone est par ailleurs décrétée non aedificandi (inconstructible, ndlr) car elle se trouve entre deux failles Tildi et Laghzoua avec un sol friable et constitué de plaques non solidaires qui reposent sur des agrégats.
Quelque soit le projet envisagé le site est impropre à toute construction. Ceux qui ont donné un accord de principe même provisoire assument une lourde responsabilité car ils ont enfreint la loi. En effet la circulaire n°10098 du 6 juillet 2010 précise que « des dérogations peuvent être octroyées à condition qu’elles ne portent pas atteinte … aux espaces verts, …aux zones à risques et aux zones à protéger ». Cette zone a été décrétée non constructible après le séisme de 1960 d’où il ressort une carte claire et sans ambiguïté a été tracée par les sismologues. Comment dans ces conditions, les autorités ont-elles pu donner une autorisation provisoire et encourager le promoteur à engager des travaux d’aménagement ? Il existe pourtant des sites alternatifs à un tel projet.
Le SDAU qui a retenu les grandes orientations du PDR (Plan de Développement Local) de la Commune Urbaine d’Agadir prévoyait deux zones d’activités entre l’Oued Lahouare et le prolongement du Barreau Est-Ouest.
La première dédiée à un grand pôle universitaire et technologique sur une superficie de 350 ha (faculté de Médecine, CHU, extension des pôles Sciences, Lettres, Economie, droit et une technopole) et la deuxième dédiée aux sports et aux activités de loisirs situé au voisinage du stade sur une superficie de 250 ha.
En 2015, nous avions délimité dans la zone loisir un espace d’une quinzaine d’hectares proche du karting pour accueillir sept projets d’animations bloqués à ce jour par les « eaux et forêts ». Sept entreprises ayant obtenu un accord définitif par la commission des grands projets, l’accord de la commune et de l’agence urbaine ; n’ont jamais vu le jour faute d’une autorisation par l’Administration des Eaux et Forêts.
Cette même direction a toléré la déforestation des hauteurs de la ville par « Agadir Land » et la construction sur les piémonts en zone sismique en particulier en 2011.
En conclusion, ce site n’aurait jamais dû être retenu en respect des documents d’urbanisme et de la sismologie. Comment la commune urbaine dont le vice président en charge de l’urbanisme est un cadre de l’agence urbaine, censé connaître la loi a pu cautionner un tel crime contre l’investissement et l’environnement ?
Que penser du projet global ?
Dans ce projet, il y a trois volets animation, Agadir Land, Agadir Camp avec le téléphérique pour une enveloppe de 300 millions de dirhams.
Est-ce que les composantes Agadir Land correspondent à de véritables projets d’animation à la hauteur des attentes des touristes internationaux et nationaux ? Agadir Camp est un espace de camping avec des mobil-home similaire à ceux réalisés à Immiouadar et Aourir. Dans un reportage d’une télévision Française, on a pu écouter le bonheur de touristes étrangers ayant acquis des mobil homes confortables qu’ils peuvent louer en leur absence par le biais de la société du projet. Cette face du projet crée donc une concurrence aux hôtels de la ville qui vivent déjà une situation difficile.
Agadir Camp est donc un projet immobilier assimilable au RIPT (« résidences immobilières de promotion touristique », ndlr) à la mode dans les années 1980, et 1990 (Espagne, France …) et qui ont causé de grandes difficultés aux hôtels. Il suffit de se rendre aux Canaries pour constater le délabrement de ces résidences : un point noir à Las Palmas et Tenerife.
Le téléphérique est irréaliste, la zone est sismique, la station de départ est sur la faille de Tildi, les sols ne présentent aucune résistance pour les massifs qui doivent supporter les charges et le sens des vents dominants est perpendiculaire à celui du déplacement des cabines avec tous les risques que cela entraîne pour la sécurité des usagers.
Le coût du téléphérique est prohibitif et l’enveloppe financière du projet dépasse de loin l’enveloppe de 300 millions de dirhams.
Un aspect n’a pas été pris en compte: l’accessibilité au site (station téléphérique ou à partir de l’avenue El Moun) un tel projet étant supposé accueillir des centaines de touristes. L’étude du PDU : Plan de Déplacement Urbain voté en début 2015 n’a pas été prise en considération.
Ainsi, il est triste de voir le secteur du tourisme à la merci de responsables sans visions, forgeant leur opinion sur des présentations animées en 3D. L’agence urbaine a finalement pris ses responsabilités en arrêtant la poursuite des travaux. Mais qui va reboiser les hauteurs de la ville, qui va indemniser le promoteur ?