François Hollande a-t-il révélé des documents secrets et violé le secret défense? La publication fin août dans le journal Le Monde d’un document estampillé « Confidentiel Défense » détaillant un plan de frappes aériennes contre le régime syrien a conduit la justice française à ouvrir une enquête pour compromission de la défense nationale.
Les auteurs de l’article, Fabrice Lhomme et Gérard Davet, qui ont signé depuis un livre-choc de confidences du chef de l’État, gardent le secret sur leurs sources, « diverses » selon eux. Mais tous les regards se tournent vers François Hollande qui les a rencontrés à de multiples reprises et leur a par ailleurs confié, sans plus de précisions, avoir « décidé au moins quatre » assassinats de responsables d’actes terroristes, comme le relate leur livre.
Le président socialiste est pilonné depuis par la droite qui dénonce, à travers ces révélations d’opérations ultra-secrètes, une « atteinte à la fonction présidentielle ». Le chef du gouvernement Manuel Valls a pris sa défense, mais en coulisses, certains ministres ne cachent pas leurs « interrogations ». D’un point de vue juridique, le chef de l’État « ne risque tout simplement rien », assure Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel. « La voie judiciaire est bouchée pendant l’exercice du mandat (à l’Élysée) et ne peut prospérer ensuite » du fait de l’immunité présidentielle, avance-t-il.
Le secret défense en France vise à protéger les informations liées à la sécurité nationale, aux opérations et leurs acteurs, militaires ou agents des services d’espionnage extérieur (DGSE). Ceux qui le violent encourent sept ans de prison et 100.000 euros d’amende. En février, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian avait ouvert une enquête pour compromission du secret défense après la parution dans Le Monde d’un article dévoilant la présence de forces françaises en Libye.
« Quand des opérations secrètes ont lieu, le but n’est pas qu’elles soient révélées, pour la sécurité des hommes et des opérations », relevait-on alors dans son entourage. En ce qui concerne le plan de frappes en Syrie, le ministre français balaie les critiques – « politique politicienne », a-t-il dit -, en rappelant que le document « remonte à trois ans et (porte) sur une opération qui n’a pas eu lieu ».
En août 2013, les États-Unis et la France avaient accusé le président syrien Bachar al-Assad d’avoir franchi la « ligne rouge » en utilisant des armes chimique contre son peuple. Une riposte militaire est envisagée. A Paris, l’état-major planche sur une opération de nuit entre le 31 août et le 2 septembre contre des installations militaires syriennes. Selon la planification du raid dévoilé dans Le Monde, François Hollande doit donner le coup d’envoi des opérations à 20H00 heure de Paris. Les chasseurs français auraient alors décollé à 22H00 pour larguer leurs missiles à 02H30. Le président américain Barack Obama rétropédale à la dernière minute. Le « GO » ne sera jamais donné.
Reste à savoir comment et quand les journalistes ont obtenu le document – « plusieurs mois » après les faits, assurent-ils dans leur livre – et quel était le niveau de protection de la note de l’état-major. Le parquet de Paris a saisi le ministère de la Défense, gardien du secret défense, pour connaître la classification du document et évaluer le degré d’atteinte à la défense nationale. Protégé par le principe d’immunité, le chef de l’Etat peut être poursuivi, une fois son mandat achevé, à une seule condition : si les faits qui lui sont reprochés ne relevaient pas directement de l’exercice de ses fonctions.
« C’est un débat juridique qui peut souffrir » d’interprétations différentes, soutient le député de droite Eric Ciotti, qui est à l’origine de la dénonciation des faits au parquet. Autre angle d’attaque possible, la destitution du président pour « manquement manifestement incompatible avec l’exercice de ses fonctions ». Mais une initiative en ce sens lancée par le parti d’opposition « Les Républicains » a échoué récemment à l’Assemblée nationale.
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