Plus de sept mois après son arrivée à la tête des Lions de l’Atlas, en février, le sélectionneur Hervé Renard fait face à un premier bilan. Matchs honorables, résultats satisfaisants, ambiance dans le vestiaire… Celui qu’on surnomme le « sorcier blanc » semble avoir réussi la première étape de son épopée marocaine. La suite s’annonce plus dure.
Hervé Renard a d’abord fait parler de lui avec son salaire mirobolant : à la tête des Lions de l’Atlas, il s’est retrouvé avec un salaire mensuel de 600 000 dirhams. Émoluments qui passeront à 800 000 dirhams en cas de qualification pour la Coupe du monde 2018, en Russie. Des sommes importantes pour le football marocain –son prédécesseur Badou Zaki, lui, ne touchait que 500 000 dirhams. À gros gains, grands résultats : lors de son officialisation, le président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), Faouzi Lakjaa avait préconisé trois objectifs : se qualifier pour la CAN, atteindre les demi-finales de cette dernière et se qualifier pour la Coupe du monde.
Imposer son empreinte
Si l’heure est au premier bilan, il est intéressant de constater que l’empreinte imposée par le nouveau sélectionneur auprès des joueurs, semble avoir d’ores et déjà prise. Lors de la double confrontation contre le Cap-Vert, en mars, le Maroc validait son ticket pour la CAN. Une situation confortable mais qui ne satisfaisait pas outre-mesure son entraîneur. « Je ne suis pas satisfait du match dans son intégralité. Si on veut progresser, il y a plein de petites choses à améliorer », glissait-il en conférence d’après-match. Une vision à la hauteur de sa réputation.
Quand on parle d’entraîneurs étrangers qui réussissent en Afrique, deux noms surgissent immédiatement : Le Roy et Renard. Tout sauf un hasard, puisque le premier a été le mentor du deuxième. « Gagner la CAN avec la Zambie inattendue et une Côte d’Ivoire sur le déclin, il fallait le faire », nous déclare Mansour Loum, rédacteur en chef du site spécialisé Afrik-Foot. « Et forcément au niveau d’un groupe, avoir un coach comme Renard qui a ce palmarès et sa réputation de gagneur, ça fait qu’il arrive déjà dans un vestiaire conquis et acquis à sa cause là où un autre sélectionneur pourrait arriver et diviser l’opinion. » Selon ce spécialiste, Renard a cette faculté d’exercer un coaching assez paternaliste, une façon d’encadrer et d’« hurler » sur les joueurs, qui fait qu’il est apprécié par ces derniers. « Au niveau africain, il a déjà fait ses preuves en gagnant deux CAN avec des équipes très différentes. C’est un fin connaisseur de la réalité du continent. Son expérience va être un bel atout pour le Maroc », glissait d’ailleurs l’international marocain Younes Belhanda, en février, au moment de l’arrivée de son nouveau sélectionneur. Selon Hervé Penot, journaliste au quotidien L’Équipe et spécialiste du football africain, Renard a cette faculté à prendre ses responsabilités. « Ce qu’il pense, il le dit. Ça peut plaire ça peut déplaire, mais en général, ça plait énormément aux joueurs. »
Le « papa » coach
Avant son arrivée à la tête des Lions de l’Atlas, Renard a effectué un court passage au club de Lille, en Ligue 1. Un passage plutôt raté, au niveau des résultats, de seulement six mois qui aurait pu fragiliser la légitimité du coach aux yeux de ses joueurs. Hervé Penot dresse lui un autre diagnostic sur ce passage compliqué : « En réalité, il n’a pas eu le temps de faire grand chose. Il a pu faire des erreurs de communication qui ont déplu aux hautes instances du club et dès lors, un manque de confiance s’est fait sentir entre le président et l’entraîneur. » Pour connaître plusieurs joueurs au sein de l’effectif lillois, le journaliste de l’Équipe, nous confie que la plupart « étaient impressionnés par son travail et ont regrettés qu’il ne soit pas resté plus longtemps au sein du club. » De son point de vue personnel, Hervé Penot confie qu’avec « quatre mois de plus et les recrutements prévus que Renard n’a finalement jamais eu, la donne aurait été considérablement différente. »
Un témoignage vient appuyer l’analyse que font ces spécialistes du foot africain, sur la capacité de Renard à exercer un coaching paternaliste sur ses joueurs : celui de Roy Contout, footballeur français évoluant dans le club marocain de la Renaissance de Berkane, qui était sous les ordres d’Hervé Renard, lors de son passage à Sochaux. Dans un entretien pour le site So Foot en mai, ce dernier confie : « J’étais prêt à partir au combat pour Hervé Renard. » Et d’expliquer : « Pour moi, Hervé Renard est un coach extraordinaire, sérieux, discipliné et qui sait très bien gérer ses joueurs. Il a su comprendre que certains joueurs africains, ou moi par exemple, nous sommes plus dans la réaction que dans l’action. »
L’atout Boufal
Le Maroc, longtemps confronté aux problèmes des joueurs binationaux, a souvent eu du mal à conserver ses joueurs talentueux, ayant percé dans les championnats étranger. Adil Rami, Munir El Haddadi, Marouane Fellaini ou encore Nacer Chadli, nombreux sont les joueurs à avoir opté pour la France, la Belgique ou l’Espagne au détriment des Lions de l’Atlas. Avec Sofiane Boufal, transféré à Southampton lors du dernier mercato, Hervé Renard a su également apporter du sang neuf et du talent à son effectif. Si la concurrence à son poste en équipe de France a également pu le dissuader de rejoindre Les Bleus, cela constitue néanmoins une victoire significative pour Renard. « Il a réussi là où son prédécesseur a échoué avec un joueur fortement sollicité et cible de pressions. Il a su prendre son temps et surtout trouver les mots justes » selon Loum. Sans doute l’avantage de l’avoir eu furtivement à Lille sous ses ordres également. « Par rapport à d’autres entraîneurs, lui a justement ce discours qui arrive plus facilement à toucher les joueurs et qui font qu’ils peuvent se transcender pour lui. 2012 et 2015 sont là pour le rappeler », ajoute-t-il.
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Mettre le public dans sa poche
Mais le rôle de sélectionneur ne se limite pas qu’à donner des ordres aux joueurs depuis le banc de touche ou convaincre des pépites du ballon rond de rejoindre ses rangs. Renard le sait. Pour que les joueurs se mettent au diapason de son discours et de ses objectifs, il doit créer un contexte, une ambiance. Les Lions de l’Atlas attireront le public en obtenant de bons résultats, mais inversement ils obtiendront de bons résultats avec le soutien populaire. Dans une interview consacrée à la chaîne Arriyadia, deux mois seulement après son arrivée, Hervé Renard déclarait qu’il privilégierait la constance et qu’il s’appuierait aussi sur des joueurs évoluant en Botola. Une manière de s’approprier les faveurs du public local. Le technicien en avait profité pour déclarer qu’une nation de foot comme le Maroc se devait d’avoir des clubs « beaucoup plus performants sur le continent » et avait flatté le public marocain en disant que le Maroc disposait, selon lui, « de bons terrains, de clubs emblématiques et d’une belle ambiance rare en Afrique. »
Objectif 1 sur 3 -pour l’instant-
Il n’empêche, en seulement sept mois, le Maroc s’est –plutôt brillamment- qualifié pour la CAN 2017 en terminant premier de sa poule, invaincue, avec cinq victoires au compteur et un match nul. Selon Mansour Loum, compte tenu du potentiel qui regorge au Maroc et du groupe dans lequel l’équipe était tombée, une qualification pour la CAN était « la moindre des choses, si on se montre exigeant. » Dans ce sens, parler déjà de réussite serait allé un peu vite. « Après, en l’espace de sept mois, on commence en revanche à sentir sa mainmise sur le groupe et sa philosophie de jeu qui s’installe peu à peu. Je pense qu’on pourra véritablement juger de son travail une fois que les éliminatoires au Mondial auront débuté. » À ce moment-là, les oppositions seront plus relevées.
Pour ce spécialiste du foot africain, le Maroc devrait être au top 5 africain facilement. A ses yeux, il ne manque qu’un soupçon de puissance, d’enchaînement de performances et d’une certaine continuité dans le groupe pour que le collectif prenne, « ce qui n’était pas forcément le cas avec Zaki et Taoussi qui ont souvent remanié leurs équipes d’un match à l’autre. » Un peu à l’image de l’Algérie, le Maroc, vu le style des joueurs dont il dispose, a plus un profil pour jouer à l’européenne, nous glisse-t-il. « Ce qui est beaucoup plus compliqué dans les faits quand il faut aller gagner en Afrique centrale par exemple, où le jeu passe avant tout par le combat et les duels. » De son côté, Hervé Penot ne doute pas de la qualité des joueurs, mais explique que l’une des difficultés qui réside au sein de la sélection marocaine est de faire jouer ensemble des joueurs qui abordent quelques fois un « profil trop similaire. » Et d’expliquer : « Au sein des Lions de l’Atlas, certains postes ne sont pas encore bien fournis je pense notamment à la pointe de l’attaque. »
Un résultat, autre qu’une demi-finale ou une finale lors de la CAN 2017 ne constituerait pas forcément un échec. « Selon le tirage des groupes, il peut toujours y avoir un danger, une incertitude. Renard y va pour gagner, mais le Maroc ne fait pas parti des favoris » analyse Hervé Penot. « Les fédérations africaines ont quelques fois fait l’erreur de changer trop souvent d’entraîneurs, il faut une vision et un projet sur le long terme », explique-t-il. Le vrai test de Renard, lui, sera donc en janvier 2017, lors de l’organisation de la CAN. Un défi qu’il connaît par cœur.
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