Rachid Yazami met en garde contre les bus électriques chinois

Le Maroc entend miser sur les bus électriques chinois en signant d'importants accords. Rachid Yazami, co-inventeur de la batterie Li-ion s'inquiète de la fiabilité de ces véhicules.

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Crédit : South China Morning PostMain

Le Maroc compte s’équiper en bus électriques, en s’approvisionnant auprès de la Chine. À l’occasion du déplacement du roi en Chine début mai, un projet de financement d’une unité industrielle de production de bus électriques au Maroc, avait vu le jour. Une ambition du royaume qui interpelle Rachid Yazami, chercheur marocain reconnu mondialement comme le co-inventeur de la batterie lithium-ion, une batterie utilisée qui entre dans le fonctionnement de ce type de bus. Selon ce denier, plusieurs accidents impliquant des bus électriques ont été constatés ces dernières années en Chine, par le déclenchement de feu, voire l’explosion d’une batterie au lithium.

Le spécialiste marocain nous confie redouter le manque d’expertise qualitative de la part de producteurs chinois de bus électriques. « En général, un feu de batterie est dû à un court-circuit interne. La température de la batterie peut être un facteur déclenchant. La qualité de la batterie est aussi très importante », nous explique-t-il. Pour l’ingénieur, la qualité des produits 100% chinois est généralement moindre comparée aux mêmes produits japonais, coréens, américains et européens. « Les batteries au lithium ne dérogent pas à cette règleLes chinois offrent les batteries les moins chères sur le marché. Cela va aux dépens de la qualité.»

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Coup de com’ VS réel enjeu écolo ?

Conscient que le Maroc met les bouchées double pour la tenue prochaine de la COP22 à Marrakech, l’expert scientifique redoute un effet de communication hâtif. « Les Chinois veulent utiliser la COP22 comme plate-forme pour lancer les bus électriques en Afrique, quand les organisateurs de la COP22 veulent montrer que le Maroc passe au vert. » Ce dernier estime que certaines spécificités du marché marocain doivent poser des questions, au moment de conclure un tel partenariat : « Au Maroc, la température extérieure peut dépasser les 50 ºC. Les routes ne sont pas toujours uniformes ce qui génère des vibrations. Le nombre de passagers peut être élevé. Tout cela ajoute du stress sur les batteries et, par conséquent, augmente le risque d’un emballement thermique. »

Même si le risque reste faible, il suffit, pour Rachid Yazami, d’un seul événement tragique pour remettre en cause tout le programme des véhicules électriques au Maroc car « les usagers perdront confiance », estime-t-il. Ajoutant que les informations venant de Chine quant au nombre réel d’accidents de bus électriques sont généralement dissimulées, « due à l’opacité du système chinois », Yazami  préconise une étude d’impact « sérieusement menée par les autorités marocaines » avant toute décision d’introduire des bus électriques chinois. À son sens, un test de stress avec  deux allers-retours quotidiens entre Marrakech et le haut de la vallée de l’Ourika doit être maintenu pour au moins six mois, soit un total d’environ 14 400 km.

Comment répondre au défi écologique ?

« Les bus peuvent renfermer une énergie stockée dans les batteries allant de 75 à 300 kilowatt-heure. Juste pour avoir un ordre de grandeur, 300kWh est l’équivalent d’environ 400 000 batteries pour téléphones portables. Le risque d’incendie est donc plus important que dans des véhicules plus modestes tels que les bicyclettes, scooters ou voiturettes.»  Yazami explique qu’il existe d’autres solutions moins risquées. À budget égal, l’ingénieur estime que la qualité de l’air de Marrakech bénéficierait davantage d’une « introduction massive de vélos électriques » que de bus électriques. Et de conclure : « L’introduction des véhicules électriques doit se faire graduellement. »

La convention de partenariat scellée en mai entre le chinois Yangtse Ltd, la Société d’investissement énergétique (SIE), Marita Group et BCP porte sur la construction d’une unité industrielle de fabrication de bus électriques dernière génération (Ultra-Light) dans le Royaume. Un montant d’investissement estimé à 1,2 milliard. Nous avons tenté à plusieurs reprises de joindre la Société d’investissement énergétique ainsi que le groupe Marita, la BCP et le groupe chinois Yangtse afin de recueillir leur opinion, mais sans succès malgré de multiples tentatives.

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