Les enjeux de la visite de Mohammed VI dans les pays du Golfe

Les pays du Golfe organisent le premier sommet Maroc- pays du Golfe auquel participe le roi Mohammed VI. L'occasion pour eux de s'assurer du soutien politique et militaire du Maroc qui, de son côté, espère la continuité de leurs dons et de leurs investissements.

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Crédit : MAP

Le roi Mohammed VI est arrivé  le 19 avril à Ryad, où il participera au sommet Maroc-Pays du Golfe le 20 avril avec  les dirigeants des pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) qui réunit l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Koweït, le Qatar, le Bahreïn et le sultanat d’Oman. Pour ce voyage dans la capitale saoudienne, le souverain est accompagné de Moulay Rachid, de ses conseillers Fouad Ali El Himma, Taïeb Fassi Fihri, Yassir Zenagui et Abdeltif Menouni ainsi que du chargé d’affaires au Cabinet royal, Mohamed Kettani. Le ministre des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar et son ministre délégué Nasser Bourita sont également du voyage.

L’événement «insufflera une nouvelle dynamique de partenariat stratégique et multidimensionnel entre le Maroc et le Conseil de coopération des pays du golfe arabique» selon un communiqué du ministère de la Maison royale. À l’issue de ce sommet, le roi Mohammed VI effectuera «des visites de fraternité et de travail» dans plusieurs pays de la région, sans préciser ces pays et les attentes de cette tournée annoncée.

Mais au delà d’une simple visite de fraternité et de travail, la présence du souverain en Arabie saoudite comporte un double enjeux : économique et politique.

Assurer la continuité des dons et des investissements des pays du Golfe 

Pour le volet économique, le Maroc veut d’abord s’assurer la continuité de l’accord de coopération avec les pays du CCG. En 2011, le CCG avait proposé au Maroc et à la Jordanie de rejoindre ce club, resté fermé depuis sa création en 1981. Une offre déclinée avec diplomatie par le Maroc qui s’était plutôt prononcé en faveur d’un accord de partenariat stratégique ouvrant quelques mois plus tard la voie à la création d’un fonds de cinq milliards de dollars en faveur du Maroc (et de la Jordanie). Mais l’accord de partenariat signé entre les deux entités (la Maroc et le CCG) prend fin en 2016. «On s’attend à l’annonce  de la continuité de la politique des dons des pays du CCG au profit du Maroc au cours de la visite royale», rapporte l’Économiste qui cite une source proche du dossier.

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Cette coopération illustre, entre autres, le renforcement des liens économique entre le Maroc et les pays du CCG au cours des dix dernières années. Les échanges commerciaux entre le Maroc et les pays du CCG ont augmenté de 11% en moyenne annuelle, pour atteindre 28,6 milliards de dirhams en 2014. Ce qui représente 4,9 % des échanges totaux du Maroc contre 3,6 % en 2000, selon le rapport économique et financier 2016, accompagnant le projet de loi de Finances 2016.

Parmi les pays de l’organisation, l’Arabie saoudite est le premier client du Maroc, avec environ 920 millions de dirhams d’exportations, soit  52,4% du total régional, suivie des Emirats arabes unis (EAU), avec 589 millions de dirhams et une part de 33,5%.

S’assurer du soutien des pays du Golfe sur la question du Sahara

Les pays du Golfe investissent aussi massivement au Maroc. Au cours des dix dernières années, le volume global de leurs investissements dans le royaume a atteint cinq milliards de dollars, soit près de 50 milliards de dirhams, selon l’agence officielle MAP. Rien qu’en 2014, les IDE  des pays du Golfes ont atteint 10,2 milliards de dirhams, marquant une hausse de 82 % par rapport à 2013. Leur part dans l’ensemble des IDE entrants au Maroc est ainsi passée à 28 % en 2014, contre 14 % en 2013.

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Entre 2006 et 2014, les IDE en provenance des pays du Golfe ont cumulé près de 57 milliards de dirhams, représentant 19 % des IDE totaux à destination du Maroc durant la même période. Ces investissements sont essentiellement originaires des EAU (44% des flux reçus du CCG en 2006-2014) et de l’Arabie saoudite (38%) et sont notamment destinés aux secteurs du tourisme, de l’immobilier et de l’énergie.

Mais cette coopération est amenée à se développer d’avantage puisque le Conseil de coopération du Golfe prévoit de porter le montant de ses investissements à 120 milliards de dollars pour les dix prochaines années .

Outre, s’assurer la continuité des dons et des investissements des monarchies du Golfe, le Maroc veut également «s’assurer du soutien des pays du Golfe sur la question du Sahara. Ces pays ont toujours soutenu le plan d’autonomie proposé par le Maroc», nous explique Jawad Kerdoudi, président de l’Institut marocain des relations internationales (IMRI). Mais que gagnent donc les pays du golfe en contrepartie ?

L’appui politique et sécuritaire du Maroc

«Le Maroc a une expertise sécuritaire à faire valoir et à apporter à ces pays-là», nous explique Jawad Kerdoudi. Le volet sécurité sera, en effet, évoqué lors du sommet puisque il sera également question des «défis et menaces qui guettent la région» et de l’adoption des «positions communes».

L’appui du Maroc dans ce domaine s’illustre par «“son soutien actif” aux Emirats arabes unis depuis 2014 en matière de lutte contre le terrorisme dans la région du Golfe sur des aspects militaires opérationnels et de renseignement»,  selon le ministère marocain des Affaires étrangères.

Le Maroc avait participé aux opérations militaires de la coalition arabe menée par l’Arabie saoudite contre des rebelles chiites au Yémen. Le Maroc avait apporté “toutes les formes d’appui dans ses dimensions politique, de renseignement, logistique et militaire” notamment par “la mise à disposition de la coalition des Forces Royales Air stationnées aux Emirats”.

Hormis le domaine sécuritaire, le Maroc apporte son soutien politique au pays de l’organisation. “Le Maroc apporte aussi son soutien politique au pays du Golfe concernant  le conflit latent entre l’Arabie saoudite et l’Iran” ajoute le président de l’IMRI. Les tensions entre les deux pays du Moyen Orient se sont exacerbés au début de l’année 2016 suite à l’exécution d’un dignitaire chiite en Arabie saoudite. Un acte qui a poussé des manifestants iraniens en colère à détruire en partie l’ambassade saoudienne à Téhéran.

Même si l Maroc a affirmé “compter sur la sagesse des responsables saoudiens et iraniens afin d’éviter que la situation actuelle ne s’étende à d’autres pays de la région”, il prend “toujours position pour l’Arabie saoudite”, précise notre source.

Mais au delà des aspects économique, politique et sécuritaire ,“il y a une solidarité entre les deux entités au niveau institutionnel puisque le Maroc et les pays du Golfe sont tous des monarchies” souligne notre source.

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