En novembre 2014, le roi prononçait une sentence lourde de conséquences : “Ou on est patriote ou on est traître […] il n’y a pas de juste milieu entre le patriotisme et la trahison”, mettait-il en garde dans son traditionnel discours de la Marche verte.
La dureté du propos est à la hauteur de l’enjeu : le Sahara est marocain, soutenir le contraire, au moment où s’intensifie la pression internationale, c’est tourner le dos à son pays. Notre histoire ne naît pas à l’indépendance et l’attachement au Sahara plonge ses racines dans un récit national, que les fonctionnaires onusiens font mine d’ignorer. Et la force du Maroc est de porter en son sein un bloc majoritaire, aussi bien sahraoui, soussi, que rifain, fassi et aroubi, convaincu de la marocanité du Sahara. C’était le propos de la mobilisation du 13 mars, que l’on ne peut réduire à ses aspects folkloriques. Mais la force de cette conviction nationale recèle également une faiblesse : lorsque la majorité devient diktat, elle réduit le débat public et affaiblit l’exercice démocratique.
Sûr de son bon droit, le Maroc donne à l’étranger l’image d’un pays autocratique qui lorgnerait la terre des Sahraouis sans se soucier de leur avenir. Ce qui est faux. Ce n’est pas parce qu’elle est mal défendue que la cause marocaine n’est pas juste. Quelques excités du dimanche qui défilent pour la marocanité du Sahara en insultant Ban Ki-moon, et ceux qui les soutiennent, n’apportent la preuve que de leur ignorance crasse… Mais il serait malhonnête de réduire la position marocaine à ces slogans furieux. Le royaume a aujourd’hui un projet pour ses Sahraouis et ses provinces du sud. La régionalisation avancée porte en réalité une promesse démocratique. Accorder un poids réel au vote des populations locales, les faire bénéficier en priorité de la richesse de leur sol, garantir la solidarité nationale, voilà ce que propose le Maroc, avec sa solution d’autonomie dans le cadre de la régionalisation. Bien sûr, le risque existe que ces promesses ne restent que des vœux pieux. Le Sahara sous administration marocaine souffre de l’économie de rente et d’un véritable système de privilèges. Mais ces maux, reconnus par l’État, ne sont pas plus présents dans le sud qu’ailleurs.
Que le Maroc renforce son front intérieur, consolide l’Etat de droit et sanctuarise ses institutions démocratiques et les Sahraouis en bénéficieront. Au même titre que le reste du pays. Ni plus, ni moins. Regardons la réalité, en ôtant les lunettes de l’idéologie et des slogans creux : les Sahraouis dans leur majorité vivent au Maroc. En face, que propose le Polisario ? Une “indépendance”, synonyme de division qui aboutirait à deux territoires ennemis et revanchards, mais inégalement dotés en ressources et en hommes. Un Maroc de près de 40 millions d’habitants face à un territoire peuplé de quelques centaines de milliers de personnes. Un scénario calamiteux que n’acceptent ni le Maroc, ni les grandes puissances, ni la raison. Depuis 2007, le Polisario ne propose aucune alternative sérieuse, pendant que la position du Maroc est qualifiée de “crédible” et “réaliste” par les grandes capitales. En même temps, cette position favorable fait peser beaucoup de poids sur les épaules du pays qui doit la maintenir et la faire triompher. Il s’agit désormais de distinguer le patriotisme qui valorise l’amour des siens et le chauvinisme qui rejette autrui. Ce n’est pas en réduisant le conflit à son expression manichéenne, “gentils contre méchants”, “Marocains contre traîtres”, que les autorités peuvent espérer convaincre l’opinion internationale. Ce n’est pas à Rabat qu’il faut convaincre, mais aussi à Tindouf, à Alger. Et à New York