Zakaria Boualem est désolé de revenir à la charge avec cette histoire de Suède, mais il n’y peut rien: il est incapable d’imaginer quoi que ce soit d’aussi puissant que la réalité de ce qu’il vient de se passer. Autrefois chroniqueur, sommé d’exagérer et de caricaturer pour générer un hypothétique petit rire amusé, il est aujourd’hui simple rapporteur de faits, réduit au rôle de scribe devant le burlesque du réel. Il consigne donc sur cette page ce qu’il se passe, sans plus d’effort, vaincu par la créativité débridée du Maroc Moderne. Il pourrait bien parler d’autre chose mais il sent confusément qu’il se doit de consigner cette production, qu’il faut documenter au maximum l’étrange époque que nous traversons. Voici donc un résumé, pour l’histoire, de cette crise avec la Suède, c’est parti.
Un beau matin, le Maroc Moderne décide de bloquer l’ouverture d’un magasin de meubles en kit parce qu’il n’est pas conforme, avant d’expliquer que nous boycottons la Suède qui s’apprêtait à reconnaître les félons séparatistes. Le magasin est une franchise, la maison mère n’est donc plus vraiment suédoise, mais ce n’est pas grave, puisque rien n’est grave. Une manifestation est organisée devant l’ambassade de Suède, au cours de laquelle un patriote déclare que « les Suédois n’ont pas lu l’histoire du Maroc, ils ne connaissent que ce qui les entoure, alors que nous, nous sommes des chercheurs, des découvreurs. Qui a découvert l’Amérique? Les Arabes, les Marocains, Mohamed premier! Les Marocains sont intelligents, même si les juifs ont tenté de nous inoculer un virus, à travers les drogues, pour nous endormir. Mais les jeunes ont pris conscience de ça, ils comprennent tout. » Zakaria Boualem aurait quelques scrupules à retranscrire les propos confus d’un individu isolé et apparemment un peu fatigué s’il n’était pas convaincu, de par son expérience personnelle, que ce genre de théories sont largement partagées chez nous. Oui, ce bonhomme répète ce qu’il a l’impression qu’on lui demande de dire et même de penser, le problème est là. La Suède déclare dans la foulée qu’il n’y avait aucun projet de reconnaissance des traîtres à la nation, et le mystère s’épaissit soudain autour de cette agitation. Voilà comment Zakaria Boualem a vécu cette histoire, et merci. Passons à autre chose, les amis.
Les plus perspicaces d’entre vous auront noté que notre équipe nationale, que Dieu l’assiste, a disputé cette semaine deux matchs amicaux contre la Côte d’Ivoire et la Guinée. Une défaite et un match nul à l’arrivée. N’attendez de Zakaria Boualem aucune espèce d’analyse sur la performance du mountakhab, encore moins de gémissement sur les ténèbres qui entourent ses performances. Il est guéri, le Guercifi, il ne regarde plus les matchs. Ça a été difficile de décrocher, mais il y est parvenu. Lui qui se réveillait les matins de match avec la boule au ventre, lui qui allait au stade quatre heures avant le coup d’envoi, et sans smartphone s’il vous plaît, oui, il n’a pas regardé les matchs. Il fut un temps où Dolmy était son idole, El Biyaz son héros, Timoumi le régalait. Plus tard, il est tombé en admiration devant le charisme de Naybet, la vivacité de Bassir, l’abattage de Chippo. Il est aujourd’hui incapable de vous citer quatre noms. C’est bien entendu une victoire sur lui-même, il eût été inconsidéré de continuer à placer ses émotions entre les mains de gens qui lui ont signifié avec autant de clarté qu’il ne comptait par pour eux. La dernière étape a été franchie lorsqu’il a entendu la déclaration d’un individu qui expliquait que, au cours du match contre Sao Tomé, les joueurs avaient levé le pied en seconde mi-temps par crainte de blessures. L’homme qui s’exprimait ainsi n’était pas un simple Zakaria Boualem, ni un analyste anonyme de terrasse de café. Non, il était adjoint du sélectionneur national, et ses propos rejoignaient en tout point ceux des quidams susnommés. Il faut toutefois lui rendre hommage, puisqu’il est à l’origine du décrochage du Boualem. On peut s’étonner du peu d’écho provoqué par ses propos. Mais ce n’est pas grave, vous le savez bien, puisqu’on l’a déjà écrit: rien n’est grave et merci.