Immobilier: Pour le groupe Alliances, les problèmes se multiplient

Mohamed Alami Lazraq, le PDG d’Alliances Développement, est sur deux fronts : faire face à ses créanciers et répondre aux demandes du personnel d’EMT, filiale du groupe, qui tentent d’arracher leurs droits sociaux.

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Alami Lazraq. Président du conseil d'administration d'Alliances Développement Immobilier (ADI). Crédit: DR

Mercredi 8 juillet, au siège d’Alliances, les réunions s’enchaînent. Il y en a déjà eu une dizaine toujours avec les mêmes protagonistes : Hakim Benzakour, le secrétaire général d’Alliances, Younes Sebti, le directeur financier, et les représentants syndicaux et du personnel du groupe EMT, filiale construction de l’opérateur, ainsi qu’Abderrahim Lahjouji, le conciliateur mandaté depuis le mois d’avril dernier par le tribunal de commerce de Casablanca. L’ex-patron de la CGEM a été nommé au mois d’avril par le tribunal de commerce de Casablanca après le dépôt d’une requête, par le groupe, pour l’ouverture d’une procédure de règlement amiable. Ces réunions n’avaient qu’un seul but : trouver une solution aux multiples problèmes financiers qui secouent l’entreprise.

Avalanches de saisies

Le groupe cherche une porte de sortie depuis qu’une avalanche de saisies réclamées par les créanciers d’EMT, son pôle de construction, lui est tombée dessus. Le 27 mars dernier, Mohamed Bensalah a procédé à une saisie sur les comptes d’Alliances au nom du Comptoir métallurgique marocain, filiale du groupe Holmarcom, pour un montant de 10,7 millions de dirhams.

Une semaine plus tard, le 6 avril, le CIH lui emboîte le pas et procède à deux saisies conservatoires sur le fonds de commerce d’Alliances d’un montant total de 43 millions de dirhams.  Le coup de grâce a été donné par l’annonce des résultats annuels d’ADI qui a fait l’effet d’une bombe même si le profit warning publié mi-février avait déjà donné l’alerte.

Un gap de plus d’un milliard de dirhams

Le groupe, coté à la Bourse de Casablanca, a clôturé 2014 avec des pertes de 967 millions de dirhams alors que, un mois auparavant, il annonçait une capacité bénéficiaire estimée à 130 millions de dirhams. Le gap entre les deux publications est de plus d’un milliard de dirhams.

Le management avait expliqué cet écart par le changement d’approche comptable entre le moment de la diffusion du profit warning et celui de la clôture des comptes 2014. Bernard Digoit et Rachid Bennouna, nouvellement nommés aux postes de directeur général et secrétaire général du pôle construction, ont conseillé au management du groupe d’adopter « une approche conservatrice » selon le secrétaire général d’Alliances, Hakim Benzakour . Le groupe a donc présenté le scénario catastrophe. Cela a grevé la situation financière du groupe qui traine entre autres, une dette totale de 8,5 milliards de dirhams, dont 4,5 milliards de dettes privées.

Réunions sans résultats apparents

Le plus urgent pour Alliances est d’assurer le paiement des cautions engageant ADI au profit de ses fournisseurs qui sont estimées a 69 millions de dirhams. Le groupe dépose une requête pour l’ouverture d’une procédure de règlement amiable. Le 14 avril à 21 heures 30, Abdelouahed Seffouri, le président du tribunal de commerce de Casablanca, l’accepte et désigne Abderrahim Lahjouji, l’ex-patron de la CGEM, comme conciliateur pour une période de trois mois, prorogée d’un mois éventuellement.

Depuis les réunions s’enchaînent, sans résultat apparent. Nous sommes le 10 juillet, le plan de redressement promis pour la mi-mai n’a pas encore vu le jour. Les négociations avec les établissements financiers et les fournisseurs sont encore en cours. La créance du CIH pourrait être, selon nos sources, transformées en actifs. Et Alami aurait payé la dette d’Alliances envers Holmarcom de sa poche.

Une gronde sociale qui pointe

Comme un mal ne vient jamais seul, Alami doit aussi faire face à la gronde sociale. Les salariés de son pôle construction, en cause des problèmes d’Alliances, réclament le paiement de leurs salaires et des indemnités. 476 salariés sur les 665 que compte l’entreprise EMT sont concernés. Selon les représentants du personnel, les conditions de négociations sont difficiles. « Nous ne céderons pas, même si financièrement nous sommes de plus en plus démunis », souligne Noureddine  Al Kabrane, du bureau syndical de la CDT et représentant du personnel de EMT. Leurs salaires n’ont pas été versés depuis trois mois.

Quelles sont leurs revendications ? Ils demandent le versement de 100 % des salaires, du montant du préavis et de la totalité des indemnités prévues par loi en cas de licenciement. « Quant aux dommages et intérêts, nous ne les avons pas encore négociés », indique notre source syndicale. Le groupe Alliances, de son côté, ne propose que 75% des prescriptions légales. La situation est telle que le monde des affaires se demande si ce n’est pas le début de la fin pour le géant immobilier. Le spectre de la faillite n’est pas loin tant la situation ne semble pas rassurante.

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Abderrahim Lahjouji brandit tout de même la carte de l’optimisme même si les négociations sont serrées et se déroulent dans un climat tendu. « Nous sommes en train de nous battre. Pour le moment, le processus est sur la bonne voie. Alami Lazraq est ses experts sont mobilisés pour trouver des solutions », déclare Lahjouji. Il n’en dira pas plus. Et de conclure : « Priez pour nous ! ».

Le ministère de l’Habitat à la rescousse ?

Tout semble mener vers une liquidation d’EMT et ses trois filiales : EMT Levage, EMT Routes et EMT Bâtiment. Le pôle construction traîne de lourdes dettes. EMT et EMT doivent à leurs fournisseurs et créanciers 214,6 millions de dirhams (montant arrêté au 17 février 2015), dont 158,1 millions, pour EMT seule. Le plus important créancier d’EMT n’est autre qu’EMT Levage, une autre filiale du groupe, avec un montant de 83,9 millions de dirhams. EMT Bâtiment doit régler plus de 56,3 millions de dirhams.

Les salariés du pôle seront payés, mais « il reste à définir s’il s’agit d’un licenciement ou d’une cessation d’activité », affirme Nabil Benabdellah. Pour la tutelle, il faut trancher pour une solution médiane, sachant que la piste d’éventuels repreneurs est également à l’ordre du jour. C’est d’ailleurs une des raisons qui ont poussé Alliances à assainir son bilan 2014. Il voulait rendre le pôle construction plus sain pour chercher un repreneur. « Nous avons été approchés par de nombreuses entreprises du secteur des BTP. Des Chinois, des Turcs, des Français et des Espagnols sont intéressés par la reprise de ce pôle. Nous serons prêts à négocier une fois la situation financière assainie », avait déclaré le PDG d’Alliances au magazine TelQuel.

« Même si cela relève du secteur privé, cela ne nous empêche pas de porter assistance à cette grosse cylindrée de l’immobilier. Nous tenons un rôle de facilitateur et d’intermédiation sur le plan syndical, afin d’éviter le contrecoup sur le secteur immobilier et bancaire », indique Nabil Benabdallah. Parole de ministre !

Lire aussi : Nabil Benabdallah: «Pas d’argent public pour Alliances»

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  • Comment est-il possible pour un groupe immobilier de péricliter de la sorte,entraînant dans son sillage la faillite des sous-traitants,le chômage des salariés,la mise en danger des banques.Voilà comment la bulle immobilière a éclaté.