Le 27 mai, le quotidien américain New York Times publiait des documents de la justice américaine issus des témoignages d’un ancien responsable de la Fifa, Chuck Blazer. Ce responsable affirme que le Maroc a tenté de verser des pots-de-vin afin de s’assurer l’organisation des Mondiaux 98 et 2010. Telquel.ma a pu s’entretenir avec le président du comité d’organisation de la Coupe du monde 2010 au Maroc, Saâd Kettani, qui livre sa version des faits concernant le processus de candidature du Maroc.
Telquel.ma : Quel est le processus pour s’assurer des voix lors d’une candidature à la Coupe du monde ?
Saâd Kettani : Tout d’abord il faut présenter un dossier technique dans lequel l’organisation est décrite. Ce dossier couvre plusieurs domaines comme l’infrastructure physique, la sécurité, la santé, l’accueil à l’aéroport, les équipements, les stades et même la billetterie. C’est en fait une simulation de l’organisation d’une Coupe du monde. On avait même répondu aux questions relatives à la capacité financière pour l’organisation. La commission technique a d’ailleurs qualifié d’ « excellent » le projet marocain.
Ensuite il faut chercher des voix. On a d’abord fait un état des lieux sachant qu’on devait acquérir 13 votes afin d’obtenir la majorité. Nous avons d’abord démarché les pays proches du Maroc qui ont un intérêt à voir la Coupe du monde organisée au Maroc. On a commencé par la France et l’Espagne. Au niveau espagnol, il y a eu une stratégie de lobbying, on a fait jouer toutes nos relations. En Espagne, le Maroc a reçu le soutien des entreprises et des politiques notamment grâce à Driss Jettou. Un travail similaire a été effectué en Belgique et en Turquie, qui ont également voté pour nous. Je tiens à souligner l’importance du rôle qu’avait le roi Mohammed VI qui nous a soutenu dans nos démarches.
Donc ce travail a été effectué au niveau de la zone UEFA (zone européenne, ndlr). Qu’en est-il du reste ?
Nous avons obtenu 100% des voix africaines. Même le Botswana a voté pour nous. Le représentant du Botswana a d’ailleurs été viré juste après le vote. Issa Hayatou a fait preuve d’un soutien remarqué et au Mali tout s’est bien passé. J’étais d’ailleurs surpris que les choses se soient aussi bien déroulées en Afrique.
Au niveau asiatique, nous sommes parvenus à obtenir les voix de la Thaïlande, du Japon, de la Corée du Sud et du Qatar. En ce qui concerne la zone COMNEBOL (Amérique du Sud), je suis surtout venu obtenir des conseils auprès de João Havelange, l’ancien président de la Fifa. Enfin vient la Concacaf (zone Amérique du Nord).
La Concacaf était dirigée par Jack Warner justement. Est-il venu au Maroc comme les documents de la justice américaine l’affirment ?
Il est venu au Maroc. Il venait avec l’équipe de Trinidad-et-Tobago (Jack Warner est trinidadien, ndlr). Nous avions envoyé les billets d’avion pour leur déplacement au Maroc, et on les a installés à l’hôtel. J’ai essayé de sympathiser avec lui et on a fait en sorte que la femme de Jack Warner soit à son aise. On a essayé d’avoir une bonne relation jusqu’au bout.
A votre niveau, est-ce que l’éventualité du versement d’un pot-de-vin a été discutée ?
On n’a jamais discuté de pot-de-vin. Nous n’avons jamais versé de pot-de-vin et nous ne sommes pas soumis à ce genre de pratiques. Il n’y a qu’à voir le profil des pays qui ont voté pour comprendre. Ce qui se passe dans les arcanes de la Fifa, nous ne le savons pas.
Dans votre entretien à nos confrères de Medias24, vous affirmez qu’en 2004 vous aviez des doutes quant à la transparence de la campagne sud-africaine. Pourquoi ne pas avoir fait appel de la décision sachant que le Mondial est un évènement important ?
Deux jours avant le vote, Issa Hayatou m’a conseillé d’envoyer un membre du comité d’organisation lors du dépouillement des votes. C’est une procédure normale et légale mais une telle insistance aurait pu avoir l’air maladroite.
La veille du vote, j’ai rencontré Jack Warner qui a affirmé avoir reçu des menaces de la part de Sepp Blatter. Il a insisté pour que tous les votants viennent dans une chambre d’hôtel le soir-même afin de rencontrer Nelson Mandela. Sur le plan éthique c’est contestable. On aurait pu contester, mais il n’y avait que des suspicions et il ne faut pas oublier que c’est une mission diplomatique. Il fallait accepter la décision de la Fifa, rien que pour monsieur Mandela qui était présent. On retiendra que cette candidature nous a permis de faire un check-up au niveau des infrastructures.
Vos affirmations contredisent les témoignages de Chuck Blazer…
Je ne l’ai jamais vu au Maroc. Il est peut être venu lors de la candidature pour le Mondial 98. Je l’ai peut-être croisé à un congrès de la Concacaf, auquel venait assister le comité d’organisation, mais je ne l’ai pas vu ailleurs. Ce qu’il raconte n’engage que lui.
Au vu de ses accusations concernant le Maroc, ne comptez-vous pas entamer une action en justice à son encontre ?
Nous n’en sommes pas là. S’il faudra le faire un jour on le fera. Il faut se mettre au-dessus de tout ça.
Selon des rumeurs, le Maroc pourrait se porter candidat à l’organisation du Mondial 2026. Vous croyez dans les chances du royaume ?
Je n’ai pas de boule de cristal pour vous répondre. Mais l’essentiel est que le Maroc aille bien et soit capable d’accueillir un évènement de cette importance à n’importe quel moment. Cela voudrait dire que notre économie fonctionne et que nous avons des infrastructures.
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