Scandales, erreurs... La Cour des comptes fustige Al Omrane

Villas réservées aux employés, non-paiement des fournisseurs, objectifs non réalisés… Dans le dernier rapport de la Cour des comptes, Al Omrane Rabat en prend pour son grade.

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Chantier de construction
Photo d'illustration. Crédit : Yassine Toumi.

Après avoir pointé du doigt les retards et programmes détournés de leurs objectifs des filiales Al Omrane de Casablanca et d’Oujda dans son rapport publié en février 2014, la Cour des comptes a disséqué dans son rapport 2013, publié le 1er avril, les moindres détails de l’activité et des comptes d’Al Omrane Rabat (p.79-95 du rapport). Et le diagnostic de cette filiale de l’opérateur spécialisé de l’Etat dans le secteur de l’habitat et de l’aménagement, dont les missions principales sont notamment de construire des logements sociaux et de lutter contre l’habitat insalubre, n’est pas bon.

Production trop faible, manque de logique dans le déroulé des projets, non-paiement des fournisseurs et non-recouvrement des créances des clients, scandale dans l’attribution de villas à ses propres salariés : la liste des critiques et des recommandations de l’institution est longue. Le rapport de la Cour des comptes comporte aussi les réponses d’Al Omrane Rabat, qui répond à chacune de ces critiques.

Une construction de logements sociaux insuffisante

L’entreprise publique ne remplit pas ses objectifs de construction de logements. La Cour des comptes remarque que le nombre de chantiers a commencé à chuter en 2011. 6 134 unités ont été achevées en 2009, contre 3 780 seulement en 2013.

Le décalage entre les objectifs de production et les réalisations est d’autant plus important pour les logements sociaux, alors qu’il s’agit de la mission principale d’Al Omrane Rabat. L’entreprise a construit moins de 25 % des objectifs à terme en matière d’appartements à bas prix, alors qu’ils devaient être réalisés avant la fin de l’année 2012. Et seulement 48 % des appartements achevés ont été commercialisés. Mais pour Al Omrane, ce retard s’explique surtout par le fait que la population visée préfère le lot de terrain au logement et qu’elle est trop souvent insolvable, reportant en partie les torts sur l’organisme Fogarim.

L’institution reproche aussi à Al Omrane de ne pas avoir mis en application les conventions signées dans le cadre du programme Ville sans bidonville et demande au ministère de l’Habitat et de la politique de la ville de se saisir du dossier.

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Concernant la réalisation de ses objectifs de manière générale, Al Omrane Rabat répond que cela s’explique par une réorientation de sa mission vers la mise à niveau urbaine et la restructuration.

Mais en matière d’infrastructures, l’entreprise publique ne semble pas non plus être efficace. La Cour des comptes pointe du doigt des problèmes dans la réalisation de la voirie et du réseau d’assainissement, en citant des exemples de débordement de bouches d’égout ou bien la réalisation d’une route sans avoir déplacé les poteaux électriques, ceux-ci se retrouvant au milieu de la voirie, alors inaccessible.

Des projets lancés sans réflexion préalable

Ce n’est pas tout : d’après ce que révèle le rapport de la Cour des comptes, Al Omrane, qui essaie malgré tout de réaliser ses objectifs de construction, lance des chantiers sans étude suffisante préalable. Des problèmes pourtant prévisibles ne sont alors pas pris en compte. Cette pratique est à l’origine de retards, voire de résiliations de projets. D’où des pertes pour le groupe, estimées à 22 millions de dirhams sur les échantillons contrôlés par la Cour des comptes.

La Cour des comptes considère qu’Al Omrane Rabat ne détient pas assez de réserve foncière. Les raisons sont simples : l’entreprise a exploité 97 % de ses réserves et ne réalise pas de nouvelles acquisitions. Dans sa réponse à la Cour, Al Omrane Rabat assure qu’elle est actuellement en phase de prospection foncière.

Absence d’appel à concurrence

La Cour des comptes révèle ce que l’on pourrait appeler « le scandale des Camélias ». L’institution parle en effet d’un ensemble de 106 villas (le projet Camélias, à Tamesna) qui auraient été réservées au personnel d’Al Omrane et aux fonctionnaires de l’administration publique. Ces biens n’ont donc jamais été mis en phase de commercialisation, comme la réglementation le prévoit pourtant. Mais l’entreprise publique se défend : il s’agit selon elle d’une demande du ministère de l’Habitat et de la politique de la ville lui-même.

Et Al Omrane semble ignorer d’autres procédures réglementaires, comme les appels à la concurrence, auxquels elle n’a pas recouru auprès de fournisseurs, ou encore la surveillance des conditions l’éligibilité dans l’attribution de logements sociaux par exemple.

Des impayés de fournisseurs qui remontent à 2007

Côté finances, l’entreprise immobilière se fait aussi épingler. Il lui arrive de livrer des biens avant même qu’ils soient payés intégralement. Les créances de ses clients sont importantes. La Cour des comptes lui demande donc d’être plus agressive dans son recouvrement et juge ses efforts actuels « insuffisants ».

L’institution lui reproche également d’avoir payé des indemnités pour exproprier des propriétaires qui sont finalement restés en place. A l’opposé, l’ardoise des dettes est aussi bien remplie. Al Omrane Rabat accumule les retards dans le paiement de ses fournisseurs. Certains restes à payer datent même de 2007.

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