Comment le 8 mars est tourné en ridicule

Par Pauline Chambost

A l’origine, le 8 mars célèbre les droits des femmes. Au Maroc, la journée est récupérée par les entreprises. Cela en devient ridicule.

Places de cinéma, téléphones, voyages, et même diamants : les Marocaines sont couvertes de cadeaux le 8 mars. Mais ce n’est absolument pas le but originel de cette journée mondiale.

La création de cette journée remonte au début du XXe siècle: en Europe, les femmes se sont regroupées ce jour-là, dans une perspective révolutionnaire autour du mouvement socialiste. Dans les années 1970, la date est ensuite investie par les mouvements féministes avant d’être institutionnalisée par les Nations unies. Elle est devenue la date prétexte pour faire le point sur les droits des femmes et mettre un coup de projecteur sur les inégalités qui persistent encore entre elles et les hommes.

Au Maroc comme ailleurs, les féministes ont l’habitude de manifester dans la rue le 8 mars. Cette année, l’événement, certes politique par essence, se voit instrumentalisé par les partis politiques. Les partis de l’opposition défileront en effet auprès des manifestants dans ce qui devient une marche contre le chef du gouvernement.

De son côté, la ministre de la Femme Bassima Hakkaoui a profité de l’occasion pour annoncer que « le projet de loi pour la création de l’Instance nationale de la parité et de lutte contre toutes les formes de discriminations » serait présenté le 5 mars en Conseil du gouvernement.

Une fête commerciale

Mais le 8 mars est surtout devenu une fête commerciale. Plusieurs enseignes ont pris l’habitude d’offrir des cadeaux à leurs clientes pour l’occasion. C’est le cas du Mégarama de Casablanca, qui offre des places gratuites. L’ONCF offre des roses à bord des trains. De son côté, Méditel « rend hommage à toutes ses clientes » en donnant un bon d’achat lors de l’achat d’un smartphone. La BMCI propose aux femmes de souscrire une nouvelle carte bancaire. Bref la plupart des secteurs profitent du 8 mars pour vendre.

Pire, cette instrumentalisation en devient parfois quelque peu machiste, en résumant la femme à une amatrice de luxe. L’assureur Sanad offre un bijou aux premières clientes qui souscrivent ou renouvellent leur contrat. Vous pouvez être tirée au sort et vous voir offrir un diamant par le Morocco Mall si vous dépensez… 1 000 dirhams dans le centre commercial casablancais.

Certaines personnes croient que le 8 mars est la fête des femmes, comme il existe la fête des mères ou la fêtes des grands-mères, et vous souhaitent « bonne fête » ce jour-là.

Les femmes se battent 365 jours par an

Bref, le combat pour les droits des femmes, alors qu’il devrait être mis en avant le 8 mars, s’en retrouve submergé sous les intérêts mercantiles et opérations marketing. Pourtant, le combat reste toujours d’actualité. Les Marocaines doivent encore se battre pour que plus aucune inégalité entre hommes et femmes ne soit inscrite dans la loi, comme c’est encore le cas pour l’héritage par exemple. Les Marocaines doivent encore se battre pour que les droits déjà actés se traduisent dans les faits, et ainsi lutter contre les inégalités de salaire par exemple. Les Marocaines doivent encore se battre contre les violences physiques dont elles font l’objet. Les Marocaines doivent encore se battre contre le harcèlement dont elles sont victimes dans la rue.

Et les Marocaines se mobilisent, 365 jours par an. Les défenseurs des droits des femmes n’ont pas besoin du 8 mars pour s’exprimer. Des associations militent chaque jour pour combattre les inégalités, et défendre les femmes qui en sont victimes. Alors pitié, dimanche, ne nous souhaitez pas « bonne fête ».