Déficit commercial: la faute à une politique incohérente

L’ouverture commerciale du Maroc est menée avec incohérence, selon une étude de deux économistes marocains.

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Les articles se succèdent sur l’ampleur du déficit commercial du Maroc, en croissance régulière depuis 2002 (à l’exception d’une légère stabilisation en 2009 et 2010). En 2013, il a atteint la somme record de 196 milliards de dirhams.

Pire, « le creusement du déficit commercial dû à des produits de consommation importés est amené à devenir structurel et à durer dans le temps », avertissait en juin dernier l’économiste Yasser Tamsamani.

Ouverture commerciale précipitée

Une étude réalisée par Rachid Hasnaoui et Cheklebire Malainine, professeurs d’économie à l’université Sultan Moulay Slimane de Béni Mellal, qui vient d’être rendue publique, explore quelques pistes d’explication.

Intitulée Quelques dimensions d’incohérence de la politique commerciale du Maroc avec ses politiques sectorielles internes, l’étude pointe du doigt des choix stratégiques douteux de la part des autorités, qui auraient ouvert les échanges dans plusieurs secteurs « alors que l’effort de promotion et de diversification de l’offre industrielle et agricole n’a pas reçu le même soin logique nécessaire ». L’ouverture commerciale aurait été, selon les auteurs, précipitée et mal organisée.

L’agriculture en tête de gondole

La protection tarifaire appliquée aux frontières par l’administration des douanes révèle les priorités stratégiques des autorités :

« Les tarifs les plus bas s’appliquent aux matières premières textiles, à la machinerie, aux  minéraux, aux produits chimiques, aux équipements de transport et aux appareils de précision », secteurs dans lesquels l’économie nationale est donc soumise à une concurrence d’autant plus forte de l’étranger. A contrario, « les produits de l’industrie agroalimentaire, les plastiques, les cuirs, articles en bois, papeterie, articles d’habillement, chaussures et bonneterie, articles en pierre, produits métalliques et autres manufactures », et plus encore les céréales, la viande, bénéficient d’une protection douanière renforcée (voir tableau).

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Les filières à forte valeur ajoutée sont donc celles où la concurrence des pays étrangers sur les producteurs nationaux est la plus forte, tandis que le textile non transformé, les produits agricoles et de l’industrie agroalimentaire sont fortement protégés. L’étude déplore le « caractère insuffisamment protecteur des niveaux de droits de douane dans l’objectif de soutenir le développement de filières locales identifiées comme stratégiques ».

Des conditions défavorables

Autre erreur, les exportateurs marocains ne profiteraient pas assez des préférences tarifaires négociées avec certains pays partenaires, là où les importateurs, eux, les exploitent allègrement. En cause, « des problèmes de compréhension et d’interprétation de certaines règles spécifiques contenues dans ces accords, source de conflits entre l’administration douanière marocaine et les douanes des pays partenaires. »

Résultat : le taux d’utilisation de l’accord préférentiel Maroc-UE est toujours d’au moins 7 points supérieur dans le sens de nos importations, sur la période 2007 – 2012 (voir tableau).

taux-preferentiels

Par ailleurs, d’autres pays, notamment Israël, l’Égypte, le Liban, la Jordanie ou la Turquie, ont négocié avec l’Union européenne des accords préférentiels plus avantageux que ceux du Maroc, détaille l’étude :

Les exportateurs marocains de produits agricoles et agroalimentaires souhaitant franchir le marché de l’UE, en bénéficiant des avantages de l’accord préférentiel, doivent payer un taux moyen de droits préférentiels de l’ordre de 5,53 %. Les droits préférentiels accordés aux produits made in Israël (0,81%) sont presque 7 fois moins cher que ceux fixés aux produits marocains.

Autre problème : l’Union européenne a décidé de faire des produits agricoles et agroalimentaires des marchés sensibles, qui sont donc protégés par des tarifs préférentiels fortement protectionnistes. Or, il s’agit pour le Maroc de produits d’exportation majeurs.

Négociations internationales

Mais toute la protection de l’économie nationale des échanges internationaux ne repose pas sur les mesures tarifaires. Les mesures douanières non tarifaires (normes sanitaires, de sécurité, de traçabilité ou environnementales) peuvent également protéger les producteurs nationaux de la concurrence des pays étrangers. Mais là encore, le rapport remarque que le Maroc les utilise peu, sauf « dans le secteur agricole et celui de l’agroalimentaire », qui concentrent 50 % de ces mesures, et également, mais dans une moindre mesure, dans « le textile, les produits chimiques et le matériel électrique ».

Des incohérences dont la genèse doit sans doute pour beaucoup au déséquilibre des équipes chargées de la négociation des accords de libre-échange. Face aux délégations des États-Unis ou de l’Union européenne, le Maroc manque quelquefois des ressources pour défendre ses intérêts, comme l’expliquaient dès 2008 les économistes Mohamed Bensaid et Abid lhadiyan :

Les États-Unis disposent d’une structure professionnelle, l’United State Trade representative, rattachée directement au président américain et formée de quelques 200 cadres de haut niveau rôdés aux questions des négociations bilatérales et multilatérales. Cette structure est dédiée exclusivement aux négociations commerciales internationales. En contrepartie, l’équipe marocaine ne bénéficie aucunement d’une structure similaire et ses composantes ne sont pas spécialisées dans les négociations commerciales.

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