Sur la place historique de Sant Jaume, dans le centre de Barcelone, où se dressent mairie et gouvernement régional, un panneau lumineux égrène depuis samedi le temps qu’il reste jusqu’au 9 novembre, date choisie pour le référendum sur l’indépendance de la Catalogne convoqué samedi par le président régional Artur Mas.
Le bras de fer qui oppose Barcelone à Madrid aussi est rythmé par un compte à rebours annoncé de longue date: un conseil des ministres extraordinaire a été convoqué lundi matin pour présenter un appel au Tribunal constitutionnel contre cette consultation, suivant le plan promis par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy qui dénonce un projet « anticonstitutionnel ».
« On ne peut pas se servir de la loi pour éviter que les gens se prononcent »
L’admission de ce recours par les magistrats suspendra automatiquement le décret de convocation. Mais pas la volonté du gouvernement nationaliste catalan, soutenu par les indépendantistes de gauche d’ERC, de « demander leur avis aux Catalans« , martèle Artur Mas. « Le processus ne s’achève pas avec une décision du Tribunal Constitutionnel« , qui annulera probablement le décret, a-t-il dit à la chaîne privée La Sexta dimanche.
« On ne peut pas se servir de la loi pour éviter que les gens se prononcent« , a-t-il ajouté avant de souligner que le référendum du 9 novembre, même en cas de victoire du oui, ne conduirait pas automatiquement à la sécession de la Catalogne : « convoquer la consultation ne revient pas à déclarer l’indépendance, il s’agit de savoir ce que pensent les Catalans« , a déclaré Artur Mas, qui n’a de cesse de demander au gouvernement et au Parlement espagnols de l’autoriser, comme Londres a autorisé le référendum du 18 septembre quand l’Ecosse a dit non à l’indépendance. »Notre engagement est de voter le 9 novembre, pas seulement de convoquer un vote le 9 novembre« , a renchérit le dirigeant d’ERC, Oriol Junqueras, sur la radio publique catalane.
Chacun campe fermement dans son camp : « c’est à tous les Espagnols de décider ce qu’est l’Espagne et comment elle s’organise« , a déclaré samedi la vice-présidente du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria, résumant les arguments de Madrid pour refuser aux Catalans le droit de décider seuls de leur avenir.
10 800 urnes en carton
Sans attendre que Madrid présente son appel, le gouvernement catalan a donné dès dimanche le coup d’envoi aux préparatifs logistiques du scrutin, la campagne officielle ne devant démarrer que le 2 novembre : 5,4 millions d’électeurs de plus de 16 ans, vivant en Catalogne, seront appelés aux urnes, auxquels s’ajoutent quelque 2.500 Catalans résidant à l’étranger, a expliqué la numéro deux du gouvernement, Joana Ortega.
Organiser le référendum coûtera 8,9 millions d’euros, d’après les calculs du gouvernement régional, qui devra notamment payer la fabrication de 10.800 urnes en carton puisque Madrid ne devrait pas prêter celles utilisées habituellement. Certaines mairies ont déjà annoncé qu’elle n’aideraient pas à organiser le scrutin, comme celle de Badalona, troisième ville de la région gouvernée par le Parti populaire (PP) au pouvoir à Madrid.
Joana Ortega s’est déclarée « convaincue » dimanche que toutes finiraient par collaborer tout en précisant qu’en cas de refus, le gouvernement cherchera d’autres lieux de vote.
Sur fond de crise économique, les aspirations à l’indépendance ont pris de l’ampleur en Catalogne, dont les 7,5 millions d’habitants produisent 20% de la richesse de l’Espagne, depuis qu’elle a vu en 2010 son statut d’autonomie, approuvé en référendum en 2006, amendé par le Tribunal Constitutionnel après un appel du PP.
« Ce qui est malheureux c’est que nous avons suivi cette voie: il y a eu un référendum (…), mais le PP a fait appel auprès du Tribunal Constitutionnel et c’est là que le problème a commencé. Mais ce sont des problèmes qui, en démocratie, trouvent des solutions », a déclaré lundi le vice-président de la Commission européenne, Joaquin Almunia, socialiste espagnol.
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