Hakan Günday s'en prend aux symboles kémalistes

Etoile montante de la nouvelle littérature turque, Hakan Günday s’en prend à l’armée et aux symboles hérités de la période kémaliste.

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Photo : DR

Il ne finira donc jamais, cet hiver ? Et ces gardes sous la neige, par moins vingt degrés ? Et ce service militaire ? A vingt ans, Asil n’est « rien d’autre que douleur ». Parmi ce qu’il doit affronter, le pire est-il le froid ? la solitude ? la haine des Kurdes ? le sadisme du commandant Ekber, qui a transformé les plus rebelles en loques humaines, ne souffrant même plus des coups ni des insultes ? Est-ce la folie qui menace ? Seul dans son interminable supplice, hanté par un rêve obsessionnel où il tue Atatürk, Asil voit un homme. Ziya Hurşit, combattant de la guerre pour l’indépendance de la Turquie, membre de la première assemblée de Turquie, pendu en 1926 pour avoir tenté d’assassiner Mustafa Kemal Atatürk. Le mort se raconte. Ses études dans la Dantzig des années 1910. Le vol du manuscrit d’Ecce homo de Nietzsche. Le dégoût de voir le dévoiement de ses idéaux par la nouvelle caste politique. Ziya Hurşit est-il une hallucination d’Asil ?

Tout au long des 400 pages de ce livre, Hakan Günday fait perdre pied à son personnage et à ses lecteurs. Une lente et sourde dégringolade, aussi implacable que la neige. Une chute dans le froid, le silence et le désespoir. L’auteur de D’un extrême l’autre (prix du meilleur roman de l’année 2011 en Turquie) reprend le thème du double et le jeu de miroirs. Entre Asil et Ziya, lequel est le plus réel, le plus libre ? Ziyan, qui signifie gâchis, est une condamnation sans appel de l’armée et du pouvoir militaire. Il y a des pages cinglantes contre le culte du « gazi », « de ceux qui avaient couru la montagne, revolver au poing », contre la religion du nationalisme et du « devoir patriotique ». Un roman puissant et profondément libertaire.

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