Les sondages d’opinion sur la popularité du gouvernement se sont multipliés depuis l’arrivée de Benkirane aux affaires. Coïncidence anodine ? Nouvelle approche démocratique inspirée par la nouvelle Constitution ? Ou est-ce une manière de quantifier, et de facto amplifier, la perte de crédibilité d’un parti que beaucoup n’apprécient pas de voir au pouvoir ? En tout cas, à chaque temps de passage, on remarque une défection notable du public vis-à-vis du Chef du gouvernement.
Selon le baromètre politique Tizi Averty, la cote de confiance de Abdelilah Benkirane a baissé de 15 points en six mois, passant à 53%. Le dernier sondage en date, réalisé par nos confrères de L’Economiste avec Sunergia, montre que le Chef du gouvernement a perdu la moitié de son taux de popularité en deux ans : nos compatriotes étaient 86% à lui faire confiance, et ne sont désormais que 45% à être satisfaits de ses réalisations à mi-mandat. La dégringolade a de quoi décourager le plus téméraire des politiciens…
Les dégâts pour Benkirane ne sont pas près de s’arrêter. Son gouvernement n’a pas encore eu l’audace d’engager les réformes les plus impopulaires. Mis à part l’indexation partielle des prix des hydrocarbures, l’Exécutif n’a pas tellement avancé sur le dossier de la compensation. Il se montre tétanisé à l’idée de relever le prix de la baguette conventionnelle, en théorie de 10 centimes, jouj d’rial… Autre exemple : la réforme des retraites, qui, après avoir été annoncée en grande pompe l’automne dernier, a été retirée comme si elle n’avait jamais existé… Pour rebasculer à nouveau dans un statu quo que tout le monde juge dévastateur à long terme. Ces deux chantiers, s’ils sont engagés un jour, se traduiront mécaniquement par un recul de la cote de confiance du gouvernement. Et ce ne sont pas les timides réalisations concrètes, comme la baisse des prix de médicaments, qui risquent de compenser la chute de popularité de son chef.
Devant cette situation, certains adversaires politiques du PJD crient déjà victoire. Ils pensent que les compromissions qu’impose l’exercice du pouvoir ont fini par avoir raison de la crédibilité des islamistes. Que, comme prévu, Benkirane et ses acolytes finiront par subir la vindicte populaire et subiront une cuisante défaite électorale lors des prochaines législatives. Un peu comme l’ont subie les socialistes de l’USFP avant eux, et comme l’ont subie les Istiqlaliens avant eux encore… Ils se confortent même dans leur analyse en se remémorant la branlée que se sont pris les candidats islamistes durant les élections partielles. Mais c’est aller vite en besogne que de penser que l’électeur moyen serait prêt à retirer sa voix au parti de la lampe, juste parce que ce dernier a été incapable de tenir ses promesses. C’est sous-estimer la capacité du PJD à user de la carte de la victimisation et de l’impuissance face à « l’Etat profond », les « tamasi7 et 3afarit », pour enfin renverser la vapeur en pleine campagne électorale. Et, surtout, il faut rappeler l’essentiel : tous ces sondages évaluent le bilan du gouvernement. Ils ne mesurent pas la capacité du parti islamiste à donner une raclée à ses rivaux politiques.