Annoncée comme une révolution dans l’histoire de la consommation de tabac, la e-cigarette a tenu sa promesse en convertissant des millions de fumeurs à travers le monde. Convaincus par les arguments marketing des fabricants, les accros à la clope y trouvent un moyen de fumer en public, de se sevrer des cigarettes classiques ou simplement de réduire leur consommation de tabac. « Le sevrage est notre principal argument marketing. L’acte de fumer est constitué à 70 % de tics comme porter la cigarette à la bouche, fumer après un bon dîner ou en cas de stress. Nos produits sont destinés à aider les fumeurs à diminuer leur consommation jusqu’à arrêter définitivement », nous explique Yassir M. de ecigarette.ma, une des nombreuses plateformes qui commercialisent le produit au Maroc.
Un vrai poison
Malgré ses nombreux détracteurs, aucune étude probante n’a encore démontré les dangers de la cigarette électronique. Ce qui fait polémique en revanche, c’est le e-liquide qu’elle contient, une substance à base de nicotine et de produits chimiques toxiques qui peut provoquer vomissements et convulsions en cas d’ingestion ou de contact avec la peau. Le quotidien américain The New York Times vient de publier une étude de l’Association américaine des centres de contrôle des poisons (AACCP), qui affirme que 1414 personnes aux Etats-Unis ont été victimes d’intoxication due à l’e-liquide. Selon cette enquête, l’équivalent d’une cuillère à café de e-liquide peut être mortelle pour un enfant et une cuillère à soupe pour un adulte. Le New York Times rappelle d’ailleurs que, depuis 2011, ce liquide a déjà fait deux morts aux Etats-Unis, dont un suicide par injection de nicotine. Mais le plus inquiétant reste l’accessibilité de ces produits aux enfants. « Ils sont généralement attirés par la couleur et l’odeur des fioles contenant l’e-liquide. Il incombe aux consommateurs d’être très vigilants lors de manipulation et le stockage de ces produits », nous explique ce responsable d’un point de vente de la société E-Klop, situé à Casablanca. Au Maroc, les revendeurs auraient tendance à privilégier les liquides fabriqués en France ou aux Etats-Unis. « C’est un gage de confiance auprès de nos consommateurs. Ces produits sont certifiés par les autorités sanitaires de ces pays », confirme notre interlocuteur. Mais est-ce suffisant ?
« Un certain nombre d’e-liquides revendiquent une fabrication française mais, de fait, le propylène glycol, les arômes et la nicotine proviennent le plus souvent de Chine ou d’autres pays. Les fabrications françaises correspondent alors la plupart du temps à un assemblage et à une mise en flacon en France. En tout état de cause, l’organisation de contrôles des produits est justifiée », peut-on lire dans le dernier rapport de l’Office français de la prévention du tabagisme (OFT). Côté marocain, aucune étude ni rapport du ministère de la Santé sur la cigarette électronique n’a encore vu le jour. Pour l’instant, les électro-cigarettiers ont un boulevard devant eux.
Clopes deux-en-un
Depuis un mois, une nouvelle catégorie de e-clopes vient de faire son apparition sur le marché marocain. Il s’agit de la gamme Nutricigs, qui provient des Etats-Unis et est commercialisée en exclusivité par le leader du marché marocain, E-Klop. Cette gamme propose des cigarettes permettant de contrôler l’appétit grâce à l’extrait de plante Hoodia, connue pour être un coupe-faim naturel, de mieux dormir grâce à la mélatonine, l’hormone du sommeil, ou qui procurent de l’énergie grâce à la caféine. « Cette nouvelle gamme permet de palier les désagréments souvent provoqués chez l’individu quand il diminue ou arrête de fumer la cigarette traditionnelle. Elle permet de donner le sentiment de réveil complet le matin, de freiner la tendance à compenser le tic de la cigarette par la nourriture et de faciliter le sommeil », affirme le responsable de la boutique E-Klop.
Un marché juteux
Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) datant de 2013, 15% des Marocains sont accros à la cigarette. Pire, la consommation de tabac demeure au royaume l’une des plus graves menaces pour la santé publique. D’après les statistiques du ministère de la Santé, la prévalence des fumeurs chez les plus de 15 ans est estimée à 18 % (31,6 % chez les hommes et 3,3 % chez les femmes). Ces derniers consomment en moyenne près de 15 milliards de cigarettes par an, soit environ 15 milliards de dirhams. Autant dire que tout est bon pour prendre des parts de ce marché très juteux. Surtout que le Maroc n’applique pas la loi, pourtant existante, qui interdit de fumer et de faire la promotion de la cigarette dans les lieux publics. Or, la publicité de l’e-cigarette fait désormais partie du paysage quotidien au Maroc. Sans oublier que le design de cet objet de plus en plus sophistiqué et la communication sur ses différentes saveurs risquent d’attirer également les non-fumeurs. Selon le professeur Youssef Chami Khazraji, chargé du volet tabagisme à la Fondation Lalla Salma pour la prévention et traitement des cancers, « une récente étude américaine a montré que le taux de sevrage chez un individu qui a arrêté de fumer après un an est de l’ordre de 13 % chez un fumeur de cigarettes classiques, et qu’il est seulement de 10 % chez les utilisateurs de l’e-cigarette. Dans le second cas, l’échec du sevrage pousse les gens à fumer en utilisant les deux modes simultanément ». S’il n’existe aucune étude à charge contre la e-cigarette, une partie de la communauté scientifique continue de croire que les effets de l’e-liquide, une fois chauffé et inhalé, représente un risque pour la santé.
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