Parution. Le dernier roman de Kébir Mustapha Ammi explore les manipulations de l’histoire après la guerre d’Algérie.

Un jeune homme est bousculé un soir par quelqu’un qu’il avait cru mort. Qui est donc Shar ? Une lettre, soigneusement conservée par la mère du jeune homme dans une vieille valise, au Maroc, depuis le suicide de son mari, va lui permettre de « brosser le juste portrait d’un homme ». Après ce prologue, c’est Shar qui parle. Il se raconte à la manière des héros de romans picaresques : après une enfance misérable dans l’Algérie coloniale, Shar devient un aventurier. Fuyant l’Algérie après un meurtre, il s’illustre comme tortionnaire en Indochine avant de revenir au pays se battre pour l’indépendance – et se venger. Il se met au service de toutes les causes pour peu qu’elles lui servent. Au milieu de guerriers patibulaires, il devient un chef sans illusion ni idéal, expert en trahison et en arbitraire, brutal et cynique, passe dans le camp français et prend part à l’OAS, avant de rechanger de camp quand le vent tourne et de prononcer, lui, l’analphabète, le discours célébrant l’indépendance. « J’avais les cartes en main pour soumettre l’histoire à ma volonté », pérore-t-il, en racontant les arcanes du pouvoir, entre manipulations et liquidations de tous ceux qui ont une autre version de l’histoire.

C’est justement la possibilité de donner sa vérité qui est le sujet de ce livre. Shar n’a de sens qu’envisagé en miroir de Khair, son ami, son frère, qui l’a accompagné à tous les moments charnières de sa vie et qu’il a trahi. Au récit linéaire, par accumulation que fait Shar, répond le projet du jeune homme, qui veut écrire un livre pour donner un sens à ce parcours. Mais la quête de la vérité est une route dangereuse, car elle est aussi celle de la justice.

Un génial imposteur Kébir M. Ammi Mercure de France, 256 p., 119 DH