Fadel Benyaich sort doucement de l’ombre. Jusque-là cantonné au cabinet royal et à son business, l’ancien camarade de classe de Mohammed VI est pressenti au poste d’ambassadeur du Maroc en Espagne.
Cela s’est passé le 10 septembre dernier. Au lendemain de la publication du rapport du Conseil national des droits de l’homme (CNDH) sur la situation des migrants au Maroc, Mohammed VI tient une séance de travail d’une extrême importance au palais royal de Casablanca. Autour de la table, on trouve le Chef du gouvernement Abdelilah Benkirane et quelques-uns de ses ministres. Deux proches du roi sont aussi de la partie : Fouad Ali El Himma et un certain Fadel Benyaich, chargé de mission au cabinet royal. La présence de ce dernier ne passe pas inaperçue. Pour certains médias, cela confirme le retour en grâce de cet ancien camarade de classe de Mohammed VI. En effet, après avoir disparu des radars de l’entourage royal pendant longtemps, Benyaich multiplie les apparitions. En mars 2013, il fait une sortie remarquable devant le gotha new-yorkais réuni pour le gala annuel du prestigieux « Explorers Club ». Il est également de la partie quand, à la fin du mois de juin, le roi reçoit à Oujda Daniel Yohannes, chef de la direction du Millennium Challenge Corporation (MCC). En septembre, Benyaich reçoit de prestigieux invités à l’occasion du moussem de Tan-Tan, dont il chapeaute l’organisation. Il se permet même le luxe de répondre aux questions des journalistes marocains et étrangers présents à cette occasion.
Dans les grâces de Sidna
Ce retour en force ouvre la voie à plusieurs spéculations. Fadel Benyaich est aujourd’hui présenté comme le futur ambassadeur du Maroc en Espagne. Une information dont la presse se fait l’écho depuis plusieurs semaines, sans qu’elle soit ni confirmée ni infirmée. Il faut dire que plusieurs arguments confortent cette thèse. D’abord parce que Benyaich, qui est un parfait hispanophone (sa mère est espagnole), est chargé depuis plusieurs années des dossiers ibériques au cabinet royal. C’est d’ailleurs à ce titre qu’il a été présenté à José Luis Zapatero, alors secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), lors de sa visite au Maroc en décembre 2001. L’année suivante, en pleine crise de l’îlot Leïla, Fadel Beyaich est même chargé par Mohammed VI d’établir des contacts avec les responsables espagnols. Dans son livre consacré à cette affaire, le journaliste Ignacio Cembrero explique la démarche de Benyaich, qui invite chez lui l’ambassadeur espagnol Arias-Salgado pour connaître les intentions réelles de José María Aznar, alors Chef de gouvernement…
Aujourd’hui, la nomination d’un nouvel ambassadeur du Maroc à Madrid s’expliquerait aussi par la volonté royale de préserver les intérêts du Maroc. « L’actuel ambassadeur, Ahmed Ould Souilem, ne connaissait rien au Maroc quand il a pris ses fonctions. Il n’avait jamais vécu dans le royaume. Il connaissait bien mieux l’Algérie que le Maroc. C’était un choix bizarre de le nommer représentant du royaume à Madrid. Son parcours a été des plus discrets et ce n’est pas lui qui dirige l’ambassade », explique un fin connaisseur des relations maroco-espagnoles.
Un bon choix ?
Fadel Benyaich serait-il alors le candidat idéal pour ce poste très sensible ? Pas si sûr, à en croire une source diplomatique : « Benyaich serait un choix étrange. Il n’a aucune expérience diplomatique, ni administrative, ni politique. Il a toujours été dans les coulisses du Palais. Le roi l’avait chargé de traiter les dossiers en rapport avec l’Espagne, y compris quelques missions plus ou moins discrètes ». De plus, Fadel Benyaich aurait perdu de son poids depuis que l’ex-ambassadeur du Maroc à Madrid, Omar Azziman, a été nommé conseiller du roi. Une autre question se pose : Mohammed VI va-t-il nommer un Espagnol comme ambassadeur du Maroc en Espagne ? Car Fadel Benyaich disposerait de la nationalité espagnole de par sa mère, selon des sources bien informées. On se souvient encore de l’affaire Ahmed Lakhrif, qui avait perdu son poste de secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères en 2008, justement à cause de sa nationalité espagnole…
Néanmoins, ce dernier argument ne pèsera sûrement pas dans la décision de nomination. Contrairement à Lakhrif, Fadel Benyaich est un ami du roi et il a été son compagnon d’études. Il est aussi le fils du médecin personnel de Hassan II, qui avait été tué dans le putsch de Skhirat le 10 juillet 1971. Bref, c’est un pur produit du sérail. Même s’il ne s’affiche pas souvent avec lui, Benyaich est apprécié par Mohammed VI à tel point qu’il est parfois convié à participer aux voyages privés du roi. Un privilège réservé à quelques rares initiés. Il faut dire aussi que Fadel Benyaich n’a jamais été très loin du souverain. Après ses études, il a fait son apprentissage au ministère de l’Intérieur, sous la houlette d’un certain Driss Basri. En somme, un parcours similaire à celui de Fouad Ali El Himma, sauf qu’il n’a pas la même intimité avec le roi, ni le même charisme. « C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles il n’a jamais été nommé conseiller royal ou à un poste important », estime notre source.
La discrétion assurée
Fadel Benyaich cherche surtout à rester dans les bonnes grâces du roi et à ne pas faire de vagues. Contrairement au trublion Hassan Aourid, l’autre camarade de classe de Mohammed VI, Fadel Benyaich est en effet très réservé. Contacté par TelQuel, un habitué des arcanes du Palais reconnaît la difficulté de se faire une opinion sur Fadel Benyaich, « tellement il est discret ». Malgré cette discrétion, il ne renonce pas aux petits privilèges réservés à la garde rapprochée du roi. En rentrant de voyage à l’étranger, par exemple, « Fadel Benyaich trouve à son attente sur le tarmac de l’aéroport un véhicule du Palais », nous raconte un témoin.
Et lorsqu’il s’agit de business, il se fait encore plus discret. A l’image d’un Majidi, il s’est découvert depuis longtemps une passion pour les affaires. Son coup de maître a été l’introduction de la prestigieuse marque pâtissière Lenôtre à Rabat, il y a une quinzaine d’années. En 2007, il réussit à ouvrir une deuxième boutique à Casablanca, qui lui coûte la bagatelle de 30 millions de dirhams. Mais le succès n’est pas au rendez-vous : en 2012, la boutique cesse son activité et la villa qui accueillait l’enseigne sur une superficie de 500 m2 est cédée au prix fort à Gapi traiteur. L’impact de la crise et la concurrence des autres enseignes installées sur le luxueux boulevard Moulay Rachid, comme Paul, Fauchon et Frederic Cassel, auraient eu raison des ambitions de Fadel Benyaich.
Selon plusieurs sources, malgré la fragilité du business plan de la boutique Lenôtre de Casablanca, le chargé de mission du cabinet royal se devait de tenter sa chance jusqu’au bout. « Pour se voir accorder la carte Lenôtre, Benyaich s’est vu imposer comme condition par le groupe français d’ouvrir une deuxième boutique », précise notre source. Hormis son business de traiteur, le nom de Benyaich ne figure en revanche dans les statuts d’aucune autre société. Pour vivre heureux, vivons cachés. C’est encore plus vrai lorsqu’on est un fidèle serviteur de Sidna.
Les connexions de Benyaich S’il est confirmé au poste d’ambassadeur du Maroc en Espagne, Il ne sera pas le premier diplomate de la famille. Sa sœur Karima Benyaich assure depuis plusieurs années le poste d’ambassadrice du Maroc à Lisbonne. Et elle le fait avec brio, selon des sources diplomatiques. Inane Benyaich, l’autre sœur de Fadel, est également très appréciée dans les hautes sphères depuis qu’elle a été nommée directrice du Centre régional d’investissement de Rabat. De son passage au collège royal, Fadel Benyaich a gardé un très bon contact avec Samir El Yazidi, nommé en mai 2012 gouverneur de Tiznit. Les mauvaises langues disent que cette nomination, El Yazidi la doit à son ami Benyaich qui aurait cherché à placer un proche dans la ville natale de son actuelle belle-famille, connue dans le domaine de l’hôtellerie. Car Fadel Benyaich avait été déjà marié une première fois avant de divorcer. Son ex-femme n’est autre que Aïcha Messaoudi, la notaire qui a défrayé la chronique il y a quelques semaines en révélant une liste de personnalités casablancaises qu’elle accuse de consommer des drogues dures et de former des réseaux de trafic de cocaïne. Suite à cette affaire, la notaire vient d’être condamnée à huit mois de prison ferme… |
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous
Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer