Délesté du facteur PAM, devenu encombrant, l’ancien député de Rhmana est plus que jamais au cœur du pouvoir.
Mohammed VI a attendu la victoire des islamistes, au soir du 25 novembre, pour prendre une décision logique : “sortir” son ami Fouad Ali El Himma du PAM pour le nommer conseiller à l’intérieur du cabinet royal. Comme dans une partie d’échecs, il a choisi le moment opportun pour déplacer son pion d’une case à l’autre. Que signifie ce geste ? D’abord que la mission principale du PAM, conçu pour accéder aux affaires après avoir pris le soin de neutraliser les islamistes, est en train de prendre fin. Ensuite, que la situation d’El Himma a besoin d’être régularisée pour permettre à notre ami du roi de continuer d’agiter le champ politique.
Je vous livre mon pronostic : El Himma n’a pas fini de se comporter comme une sorte de roi bis. Ce n’est pas un homme mort. Bien contraire, il continuera d’agiter le drapeau royal, d’une manière directe ou en passant par ses innombrables relais. Il fera ce qu’il a toujours fait, avec la bénédiction de son ami le roi. Ce qui change, c’est qu’il n’agira plus en tant que “numéro 18 du PAM” (bien qu’il en soit le fondateur et le leader naturel, El Himma s’est toujours présenté comme le numéro 18 sur la liste des dirigeants du PAM !), ce que personne n’a jamais pris au sérieux, mais en sa nouvelle qualité de conseiller royal. Le fond reste le même mais l’emballage n’est plus le même. El Himma sort par la fenêtre pour revenir par la grande porte. Délesté du facteur PAM, qui ressemble aujourd’hui à un fardeau, l’ancien député de Rhmana se situe plus que jamais au cœur du pouvoir.
La nomination d’El Himma devient ainsi une manière de légitimer son action, sans plus. C’est aussi une manière de la clarifier, voire de la moraliser. Et là, j’ouvre une parenthèse pour rappeler ce que nous écrivions, dans ces mêmes colonnes, en juillet dernier : “Si le roi, et c’est son droit le plus absolu, a besoin des services d’El Himma, il peut toujours l’intégrer au sein de son cabinet de conseillers. Personne n’y trouverait à redire, du moment que le roi peut s’entourer de qui il veut”.
La meilleure manière d’appréhender cette nomination est de la considérer dans son contexte global. Ce n’est pas un acte isolé puisque le roi a déjà intégré au sein de son cabinet des éléments comme Yassir Zenagui, actuel ministre du Tourisme et financier de première main, ou Abdeltif Menouni, Monsieur Constitution. Ajoutées aux Moâtassim, Chraïbi, Kabbaj et bien d’autres, les nouvelles “recrues” viennent compléter le casting d’une sorte de gouvernement bis regroupé autour du roi. Ainsi constituée, la nouvelle garde rapprochée aura pour mission de gouverner parallèlement aux islamistes. Elle sera chargée de porter la vision royale, voire, au besoin, d’inhiber ou de contrecarrer les actions du futur gouvernement PJD.
S’il y a un sens à donner à tout cela, c’est peut-être celui-ci : le Pouvoir est en train de se réorganiser à grande vitesse depuis l’arrivée des islamistes aux affaires. Et le roi est en première ligne. Ce n’est pas un hasard si Mohammed VI a reçu le nouveau Chef du gouvernement à Midelt. Cette petite localité coincée aux pieds du Moyen-Atlas a été, en 2010, le théâtre du plus grand scandale lié à la gestion locale du PJD. Le roi aurait pu interrompre sa tournée à Midelt pour recevoir Abdelilah Benkirane à Rabat, conformément à une certaine coutume makhzénienne. Il ne l’a pas fait, préférant au contraire installer Benkirane à Midelt même, alors qu’il avait les moyens de déplacer le cérémonial à Fès ou Meknès, principales villes impériales de la région. Dans la foulée, et avant même la constitution du gouvernement Benkirane, le roi a pris les devants pour installer, par une série de dahirs, les nouveaux ambassadeurs du royaume. Ce qui viole, au passage, l’esprit de la nouvelle Constitution, censée apporter plus de pouvoir au Chef du gouvernement.
En bref, Mohammed VI a choisi de marquer son territoire. Les islamistes sont aux affaires et le roi est en train de leur rappeler, à eux comme à nous, que c’est lui qui garde l’essentiel du pouvoir.