Un jeune facebooker, Ghali Bensouda, a écrit ceci et je le trouve juste : “J’ai l’intime conviction que le devenir de notre pays est proportionnel au niveau d’engagement que la jeunesse consentira à faire.” Et comme cet engagement va grandissant, il y a de l’espoir pour ce pays, vraiment…
Je crois beaucoup aux jeunes, et notamment ceux du Mouvement du 20 février, parce qu’ils ont un formidable atout : ils n’ont peur de rien ni de personne. Ils ne sont pas freinés par le conformisme, la léthargie, ce que j’appelle la “blasé attitude”, et toutes ces inhibitions qui tétanisent leurs aînés. Ils ont des idées et des tripes pour les défendre. Ils ne sont pas négatifs ; ils y croient, ils sont sur le pont, mobilisés et actifs, prêts à en découdre. Ils sont ambitieux. Ils en veulent. Et ils sont en train de se débarrasser des derniers complexes qu’un Marocain moyen pouvait nourrir envers toute forme d’autorité : familiale et sociétale, politique, religieuse, policière. Alors ils osent désobéir ou déplaire à leurs parents quand ils prennent part à une manifestation sans leur assentiment. Ils disent et écrivent ce qu’ils pensent (merci Internet), libres de toute contrainte, critiquant ouvertement le roi, Dieu, les puissants du royaume ou l’imam du coin. Ils se dressent comme un seul homme quand un cas d’injustice flagrante est déclaré (franchement, que serait devenu un Mouad L7a9ed, jeune rappeur alternatif injustement jeté en prison, sans la mobilisation extraordinaire des jeunes de son quartier et du M20) ou quand il s’agit de relayer rapidement, efficacement, une information brûlante d’actualité. Ils ont le courage et la bonne idée de faire renaître l’espoir là où les gens croient être nés inférieurs aux autres (il fallait se lever très tôt pour traverser les bidonvilles de Sidi Moumen, comme les jeunes du M20 l’ont fait dimanche dernier, et récolter le soutien et l’adhésion des habitants de ce quartier pauvre de Casablanca). Affranchis, décomplexés, émancipés, ils sont la fierté de ce pays et la seule clé pour “ouvrir” le Maroc et le rendre meilleur. C’est-à-dire libre.
Maintenant la jeunesse a besoin de visibilité et de victoires. Pour ce qui est de la visibilité, et en dehors du M20, et des réseaux sociaux, il n’y a guère que le PSU, formation de gauche, à avoir fait une petite place aux jeunes en les intégrant dans son conseil national. Les autres partis n’ont pas bronché, le gouvernement non plus, et c’est tant pis pour eux. Il ne faudrait ni s’en étonner, ni s’en plaindre. En n’étant rattaché à aucun courant particulier, aucun parti, aucun guide, le M20 peut faire sien le slogan “Ni Dieu ni maître”. Pas besoin. Trop encombrant. Pas libérateur. Ce n’est pas une porte ouverte à l’anarchie mais à la réhabilitation de l’individu et à l’émergence, enfin, de l’égalité, de l’équité, de la citoyenneté.
Jeudi en fin de matinée, des centaines de jeunes attendaient, à l’intérieur et à l’extérieur du tribunal de Aïn Sebaâ, le verdict du procès Mouad L7a9ed. Des milliers d’autres, le cœur battant la chamade, étaient connectés à leurs téléphones et à leurs ordinateurs. Tout un petit Maroc était connecté, relié, soudé, prêt à bondir de joie pour célébrer la relaxe de l’artiste…
Et au moment où ces lignes sont écrites, la bonne nouvelle est tombée : Mouad est libre ! Il est relaxé après avoir purgé 4 mois de prison. Même si l’artiste n’a pas été totalement blanchi, même s’il méritait le non-lieu et l’acquittement pur et simple, même si une petite tache ternira désormais son casier judiciaire, le fait que le jeune homme recouvre aujourd’hui sa liberté est une très grande victoire pour lui, pour le M20, pour les démocrates. Et pour la jeunesse libre de ce pays.