Maroc-Venezuela: chronique d’une inimitié tenace

Le 18 avril les ambassadeurs respectifs du Maroc et du Venezuela à l’ONU se sont livrés à une énième prise de bec sur la question du Sahara. 

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Omar Hilale, ambassadeur du Maroc auprès de l'ONU. Crédit: DR
Omar Hilale, ambassadeur du Maroc auprès de l'ONU. Crédit: DR

La réunion consacrée aux Objectifs de développement durable (ODD) qui s’est tenue le 18 avril au siège de l’ONU a été le théâtre d’une joute verbale entre le représentant permanent du Maroc à New York, Omar Hilale, et son homologue vénézuélien Rafael Darío Ramírez Carreño. L’affrontement entre les deux hommes a débuté lorsque le représentant vénézuélien a demandé « que la réalisation des ODD s’accomplisse en prenant en considération les territoires occupés, tels la Palestine et le Sahara » selon l’agence de presse MAP.

Une déclaration qui a suscité la réaction immédiate d’Omar Hilale. Le diplomate marocain demande alors « si le représentant du Venezuela ne s’est pas trompé de réunion ou d’agenda en faisant allusion au Sahara marocain« , et déclare ensuite que le royaume n’a pas « attendu l’adoption des ODD pour lancer un modèle de développement durable au Sahara « .

Omar Hilale enchaîne sur une diatribe contre le pays de Nicolas Maduro en affirmant que les femmes et enfants vénézuéliens ne mangent pas à leur faim et traversent « les frontières pour s’approvisionner en denrées alimentaires ». Hilale est même allé jusqu’à affirmer que les « enfants vénézuéliens cherchent leurs nourritures dans les poubelles » alors que le Venezuela est le « pays le plus riche de la région avec son pétrole et son gaz« , et s’est surpris de voir le Venezuela lancer un « appel à l’assistance humanitaire des Nations unies« .

L’ambassadeur du Maroc s’est également attaqué au train de vie de l’ambassadeur du Venezuela qui, selon lui, se balade « dans ses deux jets privés aux États-Unis et les pays des Caraïbes » à un moment où « son peuple ne trouve pas de médicament pour se soigner« . Omar Hilale a également fustigé l’attitude du régime vénézuélien qui, selon lui, « affame son peuple et tire quotidiennement sur les manifestants […] qui n’aspirent à rien d’autre qu’à la démocratie, la dignité « .

Série d’altercations

Ce n’est pas la première fois que les deux diplomates sont impliqués dans une joute verbale au sein des instances onusiennes. En juin 2016 déjà, un vif accrochage a opposé Hilale à Ramirez lors d’une réunion du Comité spécial de la décolonisation des Nations Unies lorsque l’ambassadeur vénézuélien a voulu inviter le représentant du Polisario, Ahmed Boukhari, à parler devant l’instance onusienne. Une intervention à laquelle s’est opposé Omar Hilale qui y voyait une violation « des règles, des procédures et des pratiques de cette commission ».

Le représentant permanent du Maroc à l’ONU a également signalé que son homologue vénézuélien ne pouvait inviter Ahmed Boukhari à prendre la parole en tant que « représentant du Sahara occidental« . Accusé de chercher à « saboter » la réunion onusienne par son homologue vénézuélien, Omar Hilale avait reproché, d’un ton accusateur, à Rafael Ramirez de vouloir faire « ce qui se fait à Caracas [la capitale du Venezuela, NDLR] ». 

Quelques mois plus tard, en octobre, c’est devant la même commission onusienne que l’ambassadeur du Venezuela avait présenté le Sahara comme la « dernière colonie d’Afrique« . En guise de réponse, Omar Hilale avait déclaré que « le Maroc a récupéré le Sahara qui était sous occupation espagnole. Alors que le Venezuela veut amputer son voisin, la Guyane, un État indépendant et membre des Nations Unies, de la moitié de son territoire, en invoquant l’intégrité territoriale« .

Lors de son intervention, Omar Hilale s’était également prêté au jeu des comparaisons entre les populations des provinces du Sud et celles du Venezuela en affirmant que vu les « articles quotidiens de presse dans les journaux américains, la qualité de vie des citoyens au Sahara est mille fois meilleure que celle des citoyens dans la dernière dictature de l’Amérique Latine« .

Lire aussi: Vidéo: Dispute entre les ambassadeurs marocain et vénézuélien à l’ONU

Entre ces deux joutes verbales, l’ambassadeur vénézuélien , avec l’aide de son homologue uruguayen, avait convoqué une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, où Caracas siégeait, afin de discuter des « développements dangereux » qui seraient survenus dans la zone de Guergarat au mois d’août 2016.

Par ailleurs, le représentant vénézuélien avait voté contre la résolution prorogeant le mandat de la Minurso en août 2016. En janvier 2009, la diplomatie marocaine, « en réaction à l’hostilité ouvertement affichée de ce pays à l’égard de l’intégrité territoriale du Maroc« , avait annoncé la fermeture de son ambassade à Caracas. Le Venezuela de son côté a toujours une ambassade au Maroc dirigée par un chargé d’affaires.

 

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