Zakaria Boualem et le délire saoudien

Par Réda Allali

Salam alikoum. Encore une fois, des supporters de football ont mis à sac un village, c’est une triste nouvelle, hélas devenue banale. Inutile de s’attarder sur leurs couleurs, le fléau touche tous les clubs. Ces braves gens, sourds aux nobles dépêches sur les avancées triomphales du Maroc Moderne, ont donc passé leur frustration sur un paisible village de la région de Safi, violant l’intimité d’un hammam pour femmes et dérobant quelques biens au passage dans les commerces du coin. Il n’y a pas de petits profits. Zakaria Boualem a écrit ce genre de phrase un nombre incalculable de fois, il est donc inutile de revenir sur les germes de ce chaos de basse intensité désormais rituel. La nouveauté, les amis, c’est que les habitants se sont mobilisés pour organiser la protection de leur village. Voilà donc la voie que nous empruntons, l’autodéfense, et c’est une perspective effrayante. Il se trouve que notre héros, a assisté au festival d’Essaouira, où il a festoyé avec enthousiasme et emprunté les mêmes routes que les hooligans le lendemain de la mise à sac. Sur ce même itinéraire, donc, il a dû traverser une bonne douzaine de barrages de police et de gendarmes. C’est tout ce qu’il a à dire, et merci.

Restons positifs, et notons ensemble cette belle dépêche qui indique que le Maroc “salue toutes les mesures organisationnelles prises par l’Arabie Saoudite pour le Haj 1437”. C’est magnifique ! Plus de trois mois avant les départs, nous saluons l’organisation, nous avons inventé la science-fiction de la diplomatie religieuse. Rappelons que, l’an passé, un effroyable drame avait coûté la vie à un nombre indéfini de pèlerins, dont un nombre encore plus mystérieux de compatriotes, dans des conditions énigmatiques et sans responsabilités claires. Encore une fois, il n’y a rien à ajouter, et merci. Toujours en provenance d’Arabie Saoudite, cette étonnante information, selon laquelle on aurait exécuté un cheval accusé d’homosexualité. Il n’a fallu que quelques secondes à Zakaria Boualem pour comprendre qu’il s’agissait d’une intox. Ce pays produit un tel délire qu’il est possible d’inventer n’importe quoi sans que cela semble exagéré. C’est un peu le prix à payer quand on est un leader de l’absurde. Par exemple, cette nouvelle loi qui veut qu’on fouette les femmes qui consultent le téléphone de leurs maris. Elle a l’air plus crédible, cette info, à en juger par les sites qui l’ont relayée. Ces braves gens ont basculé dans un délire puissant, on se demande bien comment cette loi pourrait être appliquée. Imaginez un peu un mari, au commissariat, qui porte plainte contre sa femme.

– Chef, elle a regardé mon téléphone.

– Mmm, vous avez une preuve ?

– Bien entendu, je l’ai vue.

– Ok, qu’on la fouette.

Imaginons-les entrer ensemble chez eux, en amoureux, prêts à poursuivre leur aventure conjugale dans la félicité, avec les enfants comme témoins.

– Vous étiez où, Papa ?

– Rien de grave, juste quelques coups de fouet, maman a regardé mon téléphone.

– Ah bon, quelle idiote maman !

Si notre héros s’intéresse à l’Arabie Saoudite, c’est parce qu’il est conscient que leurs pénibles élucubrations ont un retentissement chez nous, il suffit de regarder leur impact vestimentaire un peu partout ici. C’est une abominable réalité qu’on énonce sans aucune fierté : leurs gesticulations ne nous laissent pas indifférents. À quoi peut-on donc s’attendre de leur part, dans les années à venir ? Une loi décrétant le fouet pour toute femme réclamant une télécommande ? Une autre pour celles qui auront vu une pub de Beckham en cachette ? En attendant la mère de toutes les lois, celle qui stipulera tout simplement l’interdiction de parler faite au sexe honteux. Ces gens-là ne produisent pas que du pétrole, les amis, il y a aussi une bonne dose de ténèbres qui jaillit de leur contrée. Que Dieu nous en préserve, et merci.