Zakaria Boualem et la malhonnêteté des Marocains

Par Réda Allali

Salut à vous, les amis, bienvenue à tous. En direct de la commission penchée de l’observatoire de l’avancée de la construction du Maroc Moderne, voici un point sur les travaux. Mes bons amis, l’heure est grave. Comme souvent chez nous, tout est allé très vite. Inutile de rappeler les faits, vous les connaissez tous. Le dérapage de Ban Ki-moon, la marche de protestation, vous avez tous vu cela. Zakaria Boualem aussi.

Trois millions de personnes, c’est un très beau chiffre. Oui, les amis, le Maroc est capable d’organiser en quelques jours une marche de trois millions de personnes, il est logique qu’une Coupe du Monde ne nous fasse pas peur. Certes, il n’est pas totalement impossible que ce chiffre soit exagéré, c’est de bonne guerre. Qu’importe, il s’agit d’un véritable exploit logistique, doublé d’un exploit philosophique, puisqu’une bonne partie des manifestants n’avait qu’une idée très floue des raisons de leur marche. On a ainsi eu droit à l’habituelle collection de héros du Maroc Moderne, pris en flagrant délit d’approximation par des intervieweurs cruels, c’est désormais une habitude. Il s’est trouvé un manifestant pour désigner Ban Ki-moon secrétaire général des États-Unis, un autre l’a propulsé membre de l’Union constitutionnelle, pendant qu’un troisième a mis en cause sa marocanité, sans oublier celui qui l’a tout simplement confondu avec Benkirane. Un festival, les amis, et ce n’est que le début, puisque nos sommes apparemment engagés dans un sérieux bras de fer avec l’ONU.

Toujours cette semaine, nous avons appris que le Maroc a acheté des voix pour les candidatures à l’organisation de la Coupe du Monde, on parle de quelques millions de dollars. Oui, c’est officiel, nous avons acheté notre échec, c’est très vexant. Mais il y a pire, les amis : nous avons été désignés peuple le plus malhonnête du monde, à égalité avec les Tanzaniens, à la suite d’une étude scientifique menée par l’université de Nottingham. Le test était simple : il fallait jeter un dé en privé, rapporter le résultat aux organisateurs et récupérer une somme d’argent proportionnelle au résultat annoncé du lancer. D’après cette étude, donc, les Marocains et les Tanzaniens ont beaucoup menti pour optimiser leurs gains. Nous sommes donc malhonnêtes, c’est une affreuse conclusion qui a été reprise partout sur les réseaux sociaux. C’en est trop. Zakaria Boualem n’en peut plus, c’est l’humiliation de trop. Il ne veut même plus savoir si c’est vrai ou faux, si nous avons raison ou tort, il s’agit juste d’amour propre. On ne peut pas continuer à se laisser ainsi maltraiter par tout le monde. La Fifa, Ban Ki-moon et maintenant les chercheurs de Nottingham. Il faut se révolter. C’est une question d’estime de soi, on ne peut pas vivre sans, voilà. Et donc voici la réponse de Zakaria Boualem, sautons une ligne et respirons un grand coup.

Nous avons la meilleure cuisine du monde, notre musique est d’une richesse rythmique inouïe, nos plages sont magnifiques et nos montagnes aussi. Nous vivons au milieu d’un festival de couleurs et d’odeurs qui n’a pas son pareil sur cette planète. Et nous sommes beaux. Oui, tous, yallah, nous sommes beaux, enlevez-le-moi de la bouche. Notre humour est phénoménal, notre créativité débridée. Nous sommes capables d’inventer n’importe quoi : des problèmes, des règlements, des solutions, des prétextes, tout ce que vous voulez. Nous sommes conviviaux, gentils, agréables et terriblement attachants.

Oui, Zakaria Boualem le dit : nous sommes formidables, et merci.