Edito. Si jeunesse pouvait

Par Abdellah Tourabi

Observons un peu l’évolution actuelle des grandes démocraties occidentales et l’âge des hommes politiques qui les dirigent. En Italie, Matteo Renzi, l’homme qui mène des réformes politiques et économiques importantes pour sortir son pays de la crise, a juste 40 ans.

Au Canada, Justin Trudeau, phénomène médiatique et Premier ministre aux idées novatrices, vient de boucler ses 44 ans. Chez nos voisins espagnols, les deux hommes qui incarnent le renouveau sont le fringant trentenaire Pablo Iglesias Turrión, leader de Podemos, et le socialiste Pedro Sanchez, avec ses 44 ans. Le Grec Alexis Tsipras, du haut de ses 41 ans, continue à incarner, pour de larges pans de la gauche dans le monde, une nouvelle façon de faire la politique.

Ils sont tous jeunes, charismatiques, dans la fleur de l’âge, et représentent pour leurs électeurs un espoir de changement et de renouveau. Sans tomber dans l’anachronisme, le personnel politique du Maroc indépendant ressemblait à cette image. Le gouvernement de Abdellah Ibrahim, le plus réformateur de l’histoire du Maroc, était composé en 1959 de jeunes ministres qui voulaient changer le pays et le doter de structures modernes qui assurent la justice et l’égalité aux Marocains. Les épisodes les plus passionnants et décisifs de notre histoire moderne ont été écrits par ces jeunes qui ont fourbi leurs armes politiques dans la lutte contre le colonisateur. Autres temps, autres mœurs.

De nos jours, l’espoir de voir de nouveaux dirigeants, surgir de nulle part avec des idées fraîches et inédites, est de l’ordre de l’impossible. Les leaders politiques considèrent les partis comme des fiefs, un acquis arraché après des décennies de batailles, et qu’il ne faut céder à aucun prix. Seuls un putsch interne ou la mort peuvent leur enlever ce pouvoir. Cette patrimonialisation des partis enlève toute envie aux jeunes de faire de la politique et agace les citoyens, lassés de voir les mêmes visages se disputer l’avenir et prétendre l’incarner. La culture du zaïm, leader incontestable et guide éternel, est dominante dans notre vie politique. Héritage du passé et survivance de l’histoire, cette culture est complètement inadaptée au monde d’aujourd’hui. Comme toutes les autres activités, où l’on poursuit des objectifs précis, la politique est également jugée à l’aune de la performance et des résultats. Le temps de la poursuite d’une mission historique, fondement de la légitimité des zaïms, est bien révolu. La politique au Maroc mérite d’être perçue comme une activité à durée déterminée, une responsabilité dont il faut savoir se retirer avec élégance et décence, une vocation passionnante que l’on peut encore vivre et servir sans les ors et le prestige enivrant du pouvoir. Une transition de générations et de profils qui permet de maintenir l’espoir et rend la politique plus adaptée à son temps.